Finis les jours de psychose à Ouagadougou, avec les tirs et les risques d’affrontement entre militaires. Pour autant, la colère de certains manifestants n’est pas encore retombée. Ce matin, ils étaient des centaines à crier leur désaccord face à la CEDEAO dont une délégation est attendue dans la capitale pour une réunion avec les nouvelles autorités à l’issue du coup d’Etat du 30 septembre 2022.
Encore des coups de sifflets, de klaxons. Des drapeaux Burkinabè aux côtés de ceux de la Russie. A côté de l’aéroport de Ouagadougou en face du portail qui mène à l’aérogare des pèlerins, ils sont environ 200 manifestants. Essentiellement jeunes, ils disent être venus pour faire comprendre à la délégation de la CEDEAO (communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qu’ils ne sont pas contents. La complicité remarquée ces derniers jours entre les militaires et les civils se poursuit.
Un blindé de l’armée sur le goudron ne semble pas intimider les croquants. Mieux, certains montent sur l’engin, se font des selfies ou se font photographier, sous les yeux impassibles des hommes armés.
Haro sur la CEDEAO
L’aéroport n’est pas le seul endroit de manifestation. A plusieurs kilomètres de là, c’est la même atmosphère, mais avec une mobilisation plus grande. A Ouaga 2000, sur le terrain en face de la salle de conférence, des blindés et pic up de l’armée sont bien en évidence. Sous les arbres, des militaires devisent tandis que d’autres sont couchés sous les engins.
Un calme qui contraste avec l’ambiance non loin de là. Des coups de sifflet stridents qui peuvent déranger celui qui vient d’arriver. Depuis ce matin, c’est ainsi, nous confie Marcel Tiendrébéogo . La sueur dégoulinant de partout, le jeune homme est en colère.
« Nous ne voulons pas de la CEDEAO. Nous n’arrivons pas à comprendre que la CEDEAO n’intervient pas quand il y a des attaques terroristes ici, quand il y a des centaines de morts, aussi bien du côté des militaires que des civils. Mais dès qu’il y a un coup d’Etat, elle se déplace pour venir nous parler de ses textes qu’il faut respecter », fulmine le manifestant.
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Lui et ses camarades sont donc sortis, pour crier leur mécontentement. Et s’ils ont choisi cet endroit c’est parce qu’ils ont « entendu » que c’est là que la réunion se tiendrait.
Yamba Zongo dit placer beaucoup d’espoir au nouveau président du MPSR. « On veut qu’il reste notre chef d’Etat pour continuer la lutte que Sankara a commencé et n’a pas pu terminer. Ibrahim doit achever cette lutte pour le bonheur du Burkina », clame-t-il avec conviction. Lui également estime que la délégation de la CEDEAO pourrait imposer un diktat « au jeune capitaine », ce que lui et ses camarades veulent dénoncer par avance.
Venus de loin
Au milieu de la foule à coté du centre commercial de Ouaga 2000 Zoromé Hamidou participe à la manifestation. Venu de Ouahigouya, à plus de 180 km, avec une vingtaine d’autres jeunes, il dit vouloir participer à la résistance face à la pression internationale. « Depuis des années, nous souffrons. Si ça ne tenait qu’à moi, la mission de la CEDEAO n’allait même pas atterrir. Quand tu vois quelqu’un qui est capable, ça saute à l’œil. C’est quelqu’un qui peut nous sortir de l’ornière. C’est un héritier de Sankara ce Capitaine-là. Nous sommes venus pour qu’il sache qu’il ne doit pas avoir peur », défend celui qui vient d’arriver dans la capitale.
C’est le même point de vue pour Aissata Sawadogo pour qui, les nouvelles autorités doivent sentir que le peuple Burkinabè est avec elles. C’est seulement ainsi qu’elles pourront discuter avec fermeté avec la CEDEAO et dans l’intérêt des burkinabè, estime celle qui est également venue de la capitale de la région du Nord.
La rencontre avec les autorités et la délégation de la CEDEAO n’est pas ouverte à la presse. Au moment de quitter les manifestants, personne ne savait si la délégation était arrivée ou le lieu où la rencontre se tiendrait exactement.
Tiga Cheick Sawadogo