A Boromo dans la région de la Boucle du Mouhoun, Adama Barro a mis sa ferme à la disposition de déplacés internes. Ils sont plus d’une centaine à avoir retrouvé réconfort et dignité sur les 9 hectares de terre qu’ils mettent en valeur.
À une dizaine de kilomètres du centre de Boromo, sur la route de Bobo Dioulasso, de vastes étendues de vert luxuriant s’étendent à perte de vue. Des champs de maïs, de mil parfois assimilables à des herbes sauvages. Malgré un soleil exceptionnellement brûlant en cette période pluvieuse, hommes et femmes se faufilent dans les champs, munis de daba ou de machette.
Au milieu de cette végétation florissante, Adama Barro tient une ferme. Il ya quelques années, il faisait l’élevage de moutons, de bœufs, de la volaille. Il cultivait également plusieurs variétés agricoles. Ça, c’était avant. Aujourd’hui, cette même ferme accueille une multitude de personnes déplacées internes. « Quand ils sont arrivés, ils étaient 108, à l’heure là, moi-même, je ne sais pas ils sont combien exactement », dit-il d’un air amusé. Des membres de sa famille proche, d’autres plus éloignés, des gens de son village. Le jeune homme n’a pas hésité à accueillir tous ceux qui ont dû fuir leurs terres, sans distinction.
Des PDI bien intégrés
Ce soir, c’est le benga (haricot) qui est au menu du dîner. Pendant que la marmite à moitié ouverte bout sur un feu de bois, quelques femmes groupées devant une tente font la causette. Elles ont les mains dans du maïs qu’elles trient. Poules et coqs se pourchassent dans tous les sens sous l’œil amusé des enfants. Quelques coups de pilon retentissent par intermittence, cassant le profond silence qui règne en ces lieux.
Sur les lèvres, des sourires, des rires témoins d’une paix intérieure, d’une dignité retrouvée après des moments de chagrin. Des épisodes douloureux auxquels la doyenne des lieux veut ne même plus se souvenir. Elle refuse d’en parler. Malgré le temps, la plaie n’a visiblement pas encore cicatrisé.
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Assise sur un tabouret, les pieds tendus, la sexagénaire dit ne pas avoir de mot, juste des prières pour adresser au bienfaiteur qu’elle appelle affectueusement son « fils » . « Que Dieu le bénisse, que Dieu le protège », ne cesse-t-elle de répéter. Depuis leur arrivée, 5 années sont passées pour ces PDI majoritairement originaires d’Arbinda. Même s’ils sont loin d’être dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles ils étaient chez eux, il y a de quoi se réjouir, explique Issouf Pafadnam.
Lui aussi est venu d’Arbinda dans la plus grande urgence. « Aujourd’hui, les hommes se débrouillent dans les mines, les jeunes sortent chercher de petits boulots pour avoir de quoi amener à la maison. Quelques hommes se joignent aux femmes pour cultiver les champs ». Une organisation qui leur permet d’être quelque peu indépendants de leur hôte. « Si tu me vois intervenir, c’est que c’est pour gérer les choses graves, sinon ils gèrent tout eux-mêmes », s’est-il exprimé avec un air de satisfaction et de fierté.
L’humain avant tout
Une vie paisible sans grande secousse, c’est ce que vivait Adama Barro jusqu’au jour où tout a basculé pour lui. « Ils m’ont appelé un soir qu’ils sont dans un camion, que le village a été déguerpi, qu’ils arrivent ». Bien que peu préparé, il n’a pas hésité à les recevoir, et ce malgré leur nombre. « Bon, c’est la famille hein, aujourd’hui ce sont eux, mais ça pourrait être nous, et si c’était arrivé, c’est vers eux aussi que nous allions nous tourner », se console le généreux. Pour faciliter leur intégration, Adama Barro leur a cédé ses 9 hectares de terre et a dû chercher une maison ailleurs pour abriter sa famille. « Tellement ils étaient nombreux, moi et ma petite famille sommes allés chercher une maison en ville », ajoute-t-il.
Alors que le soleil entame sa chute à l’ouest, nous laissons dernière nous des femmes. Pilons en main, elles dansent au rythme de chansons de leurs terroirs. Nous laissons dernières nous surtout des personnes qui ont trouvé en cette ferme de Adama Barro une terre d’accueil, une terre de réconfort.