L’escrime s’implante progressivement au Burkina Faso. Dans le quartier Yagma de Ouagadougou, le maître Boukouloubié Bado s’efforce de faire découvrir cette discipline aux plus jeunes, malgré le manque de moyens matériels.
Sous un ciel nuageux en cette journée ordinaire de vendredi à l’école Boudnoma au quartier Yagma, s’entrechoquent des lames de sabre. Ici, un groupe de jeunes, âgées de 10 à 18 ans, s’adonne à un sport que peu de Burkinabè connaissent vraiment : l’escrime. Ces jeunes escrimeurs, évoluent dans un décor modeste. Ils sont sur l’estrade d’une classe et s’entrainent avec détermination.
Les plus chanceux arborent fièrement une tenue blanche adaptée à la pratique de ce sport. Les autres, faute de moyens, se contentent de leur tenue de sport habituelle et voire de pagnes colorées, sans que cela ne ternisse leur ardeur à l’entraînement. Néanmoins, tous portent des masques à grillages pour la protection. La passion l’emporte sur le manque criard de matériel et d’équipement.
Au milieu de ce groupe de jeunes, Boukouloubié Bado, la quarantaine bien dépassée, veille sur ses protégés. Fondateur du club Boudnoma, sa voix ferme mais aimable résonne et guide les jeunes dans les exercices de combat. « Un petit match, cinq points. En garde, prêts, allez ! » lance-t-il avec énergie, ses yeux fixés sur deux adversaires qui se préparent à croiser le fer. Les mouvements sont fluides, précis, comme une chorégraphie. Attaque, parade, riposte, touche… Avec une agilité surprenante, les jeunes corps se déplacent en tenant de se toucher du bout de la lame.
Une discipline qui fascine
La passion de Boukouloubié pour l’escrime est perceptible dans son regard, même dans ce contexte difficile où les moyens sont souvent insuffisants. « C’est une discipline peu connue ici. Pour attirer les jeunes, je leur montre des vidéos de matchs d’escrime et même des dessins animés comme Zoro, parce que beaucoup ont vu ce dessin animé », explique Boukouloubié, un sourire discret aux lèvres.
L’escrime est une discipline qui exige non seulement une grande agilité physique, mais aussi une concentration intense. Cette discipline olympique nécessite aussi une capacité à anticiper les mouvements de l’adversaire. Les matchs, souvent en trois périodes de trois minutes, ou jusqu’à ce qu’un escrimeur atteigne 15 points, sont des épreuves d’endurance.
Ces qualités ont attiré Laure Nikèma, élève en classe de terminale. La jeune fille s’est laissée séduire par ce sport singulier. Originaire de Kaya, au Nord de Ouagadougou, elle a découvert l’escrime grâce à une promotion dans son école. « J’ai toujours été fascinée par l’escrime que je voyais à la télé. Mais une fois, il y avait une promotion de la discipline dans mon école. Ça m’a intéressé et je me suis inscrite », raconte-t-elle.
Participer aux Jeux olympiques
Très vite, Laure se passionne pour cette discipline. Son travail acharné porte des fruits lorsqu’elle est sélectionnée pour les championnats nationaux à Ouagadougou. « Nos maitres nous ont encouragés. Nous sommes allés à Ouagadougou et j’ai été vice-championne en 2019 et j’ai remporté la médaille de bronze en 2020 », retient-t-elle, nostalgique. Mais une fois à Ouagadougou Laure peine a maintenir ses entraînements jusqu’à ce qu’elle croise Boukouloubié.
Richard Ouédraogo, 18 ans, a été initié à l’escrime par Bado lors d’une séance de sport à l’école. « Le maître est venu un jour dans notre école. Il a demandé ceux qui voulaient pratiquer l’escrime. J’ai levé la main, et depuis, ça continue », raconte-t-il avec un sourire timide. Pour Richard, l’escrime est une révélation. « Contrairement à beaucoup de jeunes de mon âge, je ne maîtrise pas le football. L’escrime me permet de relaxer mes muscles et de m’évader ». Son rêve ? Représenter le Burkina Faso aux Jeux olympiques, rien de moins.
C’est aussi un rêve que nourrit Laure Nikièma. La jeune fille a suivi avec attention les Jeux olympiques. Mais, elle resté sur sa faim. « Je n’ai pas apprécié parce qu’il n’y avait personne qui représentait le Burkina Faso. En plus, il n’y a pas assez de filles qui sortent pour représenter le Burkina Faso ni l’Afrique », regrette la jeune fille.
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Le Burkina Faso a déjà eu un représentant aux Jeux de Beijing en 2008, Julien Ouédraogo. Mais pour répéter cet exploit, il faudrait des infrastructures adaptées, du matériel en quantité suffisante, estime Boukouloubié. « Vous voyez que nous sommes dans un établissement. Nous sommes obligés d’utiliser l’estrade sinon, nous sommes à même sur le sol. C’est une discipline qui a beaucoup de matériels à installer. Plus on travaille sans ce matériel, on n’est pas familiarisé avec ce matériel. Si on a une salle où on peut installer ce matériel, cela va nous aider beaucoup », explique-t-il convaincu de son idée.
Au-delà des compétitions, l’escrime est pour ces jeunes un moyen de s’épanouir, de s’évader du quotidien. Jules Bado, élève en troisième, pratique l’escrime depuis 2010. « Cela me permet de m’amuser, de m’évader. Quand les gens me voient pratiquer, ils ont aussi envie d’essayer », avoue-t-il. Pour lui, les compétitions sont l’occasion de renforcer les liens amicaux et de découvrir de nouvelles techniques.
Après une heure environ d’entraînement intensif, alors que les premières gouttes de pluie tombent Boukouloubié rassemble ses élèves pour la dernière consigne du jour. « Ok. C’est bon. Saluez! Joint tes pieds pour saluer », dit-il. Les jeunes s’exécutent avec une discipline militaire, avant de s’éparpiller avec l’espoir que l’avenir sera meilleure pour la discipline.
Boukari Ouédraogo