Rahinatou Moné, 21 ans, se prépare à entrer en compétition pour la première fois aux Jeux paralympiques, malgré des conditions d’entraînement précaires. Cette étudiante qui a déjà fait ses preuves vise désormais la première médaille paralympique pour le Burkina Faso.
C’est dans l’enceinte de la Cité chinoise, un dortoir modeste du quartier Gounghin de Ouagadougou, à quelques pas du Stade du 4-Août que nous rencontrons Rahinatou Moné. La jeune fille, 21 ans, d’une taille svelte, les cheveux tombants sur le front, a un emploi du temps chargé. Ce programme est partagé entre des rendez-vous avec des autorités et la préparation de son voyage imminent prévu dans la soirée.
Malgré tout, Rahinatou Moné, seule athlète burkinabè qualifiée pour les Jeux paralympiques, accorde quelques instants pour parler de son parcours, vêtue d’un jean décontracté et d’un maillot rouge sur lequel brille en lettres dorées l’inscription « Burkina Faso ».
A quelques heures de prendre son vol pour les Jeux paralympiques une détermination sans faille. « Je suis vraiment contente de pouvoir participer à des jeux d’une telle envergure. J’aimerai bien vivre cette expérience pour voir ce que cela fait », explique-t-elle, un sourire timide au coin des lèvres.
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Le parcours de Rahinatou Moné vers cette compétition prestigieuse est le fruit de plusieurs années de travail. Quand elle a senti la possibilité de se qualifier, Rahinatou met le paquet. L’étudiante en socio-anthropologie de l’Université Nazi Boni redouble de courage dans les entraînements pour obtenir cette qualification. Elle rate d’abord l’occasion lors des Jeux de la francophonie à Kinshasa en juillet 2023. Mais, l’occasion de se rattraper se présente. Cette fois au Maroc, elle donne tout.
« J’ai obtenu la qualification au Maroc le 26 avril en remportant une médaille au World Para-athlétisme à Marrakech. Après avoir régressé à Kinshasa, où mes performances n’ont pas été à la hauteur, je me suis rattrapée à Marrakech en décrochant ma qualification pour le 100m », se remémore-elle les yeux brillants d’émotion.
Rahinatou n’en est pas à ses premières victoires. Elle a déjà décroché deux médailles d’or aux Jeux de la Francophonie à Kinshasa, au 100m et au saut en longueur. « C’était des moments de gloire pour moi. Je voyais que mes rêves se réalisaient peu à peu », ajoute-elle.
Des difficultés dans la préparation
Derrière ces succès se cachent une réalité bien plus difficile. Les conditions de préparation étaient loin d’être idéales. Le Stade du 4-Août de Ouagadougou, seul espace d’entraînement adapté est fermé depuis trois ans pour des réfections. Le seul site restant est le terrain d’entraînement de l’Institut des sciences, des sports et du développement humain (ISSDH). Là-bas, le sol inégal et les installations précaires voire absentes rendent les entraînements périlleux.
« La préparation n’a vraiment pas été simple », admet Rahinatou, son visage s’assombrissant à l’évocation des difficultés. « Souvent, on part trouver au terrain de l’ISSDH des élèves qui font leurs cours. On est obligé d’aller sur des terrains qui n’étaient pas adaptés pour ma situation. Je cours, je rentre dans des trous avec des risques de blessure », ajoute-t-elle.
Son entraîneur Séraphin Farma veille sur sa protégée. Il n’hésite pas à intervenir dans la conversation. « Ne faites pas pleurer mon athlète », lance son entraîneur Séraphin Farma, mi- sérieux, mi- amusé. Il a déjà vu Rahinatou fondre en larmes plus d’une fois, désespérée par l’état du terrain.
Surmonter les obstacles
Mais pour cette jeune championne, la passion pour le sport a toujours été plus forte que les obstacles. Elle a commencé la pratique du sport en suivant ses frères. « Finalement, je me suis retrouvée dans l’athlétisme depuis 2018. Et de 2018 à 2024, je suis championne du Burkina Faso », précise-t-elle.
Au début, les proches de Rahinatou n’avaient pas compris ses intentions. Pour ses parents, ses entraînements et différentes compétitions n’étaient que des jeux d’enfant. Mais au fur et à mesure que ses performances internationales se multipliaient, ils réalisent que Rahinatou ne plaisante pas. « Pour mes parents, au début, c’était juste de l’amusement. Mais après certaines performances à l’international, ils ont compris que c’était sérieux », se souvient-elle encore.
Concourir dans une discipline sportive tout en poursuivant des études universitaires est déjà un défi en soi. Le faire en vivant avec un handicap visuel demande encore plus de détermination. Pourtant, Rahinatou refuse de laisser son handicap la définir.
« Tout est une question de choix, d’envie et de volonté. Tant qu’il y a l’envie de réaliser ses rêves, tu peux y arriver. C’est quand tu fais de ton handicap un souci que cela devient un problème », affirme-t-elle avec conviction, comme un message à ceux qui, comme elle, vivent avec un handicap.
Pour elle d’ailleurs, le sport dépasse de loin la simple compétition. « Au délai de la visibilité que j’aie à travers le sport, c’est une question de santé. Ensuite, il y a cette possibilité de dépasser ses limites personnelles », ajoute-t-elle, visiblement convaincue.
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Avec ses récentes victoires, soutenue par sa famille et aussi encouragée par le gouvernement, elle est prête à relever le défi. « Mon objectif est de remporter une première médaille paralympique pour le Burkina Faso. Mais que ce soit cette année ou une prochaine édition, je suis déterminée à atteindre mes objectifs », espère-t-elle.
Le président de la Fédération burkinabè de sport pour personnes handicapées, Guy Yaméogo, se montre confiant. « Avec ses performances récentes, je pense qu’elle peut nous ramener des médailles », juge-t-il. Aux Jeux olympiques de Paris, aucun des huit athlètes burkinabè n’a rapporté de médaille au Burkina Faso. Peut-être que Rahinatou Moné mettra le Burkina Faso sur la carte du sport paralympique mondial.
Boukari Ouédraogo