Fuyant les horreurs des attaques à Arbinda, une famille a trouvé refuge à Boromo. Composée principalement de grands-mères, de leurs belles-filles et de petits-enfants, elle lutte pour survivre dans des conditions difficiles. Leur seul moyen de subsistance est devenu la récupération et la vente de sachets plastiques, un geste désespéré pour préserver un semblant de dignité au milieu de la misère.
En plein cœur de Boromo, au secteur 6, des habitats assez particuliers attirent l’attention. Une dizaine de tentes recouvertes de sachets noirs créent le contraste avec les autres habitations situées aux alentours.
Les tentes de fortune, fabriquées avec des bâches et des morceaux de toile récupérés dans les dépotoirs, démontrent les conditions difficiles de vie de ceux qui y habitent. En effet, dans ce camp improvisé, les conditions de vie des déplacés sont particulièrement éprouvantes.
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En cette saison pluvieuse, la pluie transforme leur abri en une mare de boue, rendant les nuits insupportables. L’eau s’infiltre par les coutures déchirées des bâches, créant des flaques à l’intérieur, et les enfants ont du mal à trouver un endroit sec pour dormir.
Quand il pleut, ce n’est pas facile. La pluie rentre. On ne dort même pas », confie Mariam, une des grands-mères. Le visage encore marqué par la peur et la tristesse, la sexagénaire, porte le poids de sa famille avec une résilience admirable.
Autrefois épanouies à Arbinda, ces personnes sont maintenant réduites à fouiller les poubelles pour survivre. Les hommes ont été tués, laissant derrière eux des femmes âgées, leurs belles-filles et des enfants dont la vie a été brutalement bouleversée.
Le dur quotidien des survivantes
Zara, une autre grand-mère, assise dans un coin du camp, détourne le regard pour ne pas céder à l’émotion. Son visage porte les stigmates de la fatigue et la tristesse.
« Nous avons tout perdu, mais si nous nous décourageons, comment vont-ils faire ? » dit-elle, les yeux fixés sur l’horizon comme pour y chercher la réponse à ses interrogations.
Chaque matin, dès l’aube, Mariam et les autres femmes du camp quittent leur abri, sac en main. Elles sillonnent la ville de Boromo dans l’espoir d’avoir des sachets. Les caniveaux débordants et les décharges à ciel ouvert deviennent leurs terrains de chasse.
Elles fouillent dans les ordures, ramassant chaque morceau de plastique qu’elles trouvent avec l’espoir d’une petite recette.
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Les sachets collectés sont soigneusement triés une fois de retour chez elles. Ce travail est accompli avec une minutie qui trahit une volonté farouche de se battre pour survivre. Ensuite, les sachets triés sont confiés aux enfants, qui les transportent pour les vendre dans les environs.
« C’est notre seul moyen de gagner un peu d’argent, » explique Aïcha, belle-fille de Mariam, en montrant les sacs remplis de plastiques.
« Le peu d’argent que nous obtenons sert à acheter du maïs pour faire du tô, » raconte Mariam. Lorsque l’argent manque, elles se résignent à préparer une bouillie sans sucre. Une pitance maigre qui ne suffit pas toujours à calmer la faim.
Les enfants mangent en premier, tandis que les adultes attendent, parfois en vain, une portion qui ne viendra jamais. « Parfois, il n’y a rien pour nous, » dit-elle, avec une voix trahissant l’épuisement.
La Générosité d’un Vendeur de Sachets
Malgré la faim omniprésente, ces femmes s’efforcent de maintenir un semblant de dignité. Elles portent des vêtements qu’elles trouvent dans les décharges prenant soin de les laver, dans une tentative désespérée de maintenir un niveau minimum de propreté.
« Nous devons rester propres, c’est même dans ces poubelles que j’ai trouvé ces perles, » ajoute Fadima, en montrant les perles accrochées à ses cheveux. Ces petites touches de couleur, trouvées dans les débris, sont le symbole d’une volonté de ne pas se laisser abattre par la situation.
Dans un autre quartier de Boromo, une cour d’habitation semble ordinaire. C’est là que les déplacés viennent vendre les sachets et autres objets qu’ils ramassent. À l’intérieur, une vaste partie de la maison est occupée par des piles de sachets plastiques, des tas de ferrailles et autres objets.
Moussa y vit et travaille. Malgré l’ampleur de son propre travail, il ne manque pas de réserver un accueil chaleureux aux enfants déplacés qui viennent lui vendre leurs sachets. « Ces sachets ne me servent pas vraiment, surtout en cette saison des pluies » dit-il, « mais je sais qu’ils peuvent aider ces familles ».
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Chaque jour, Moussa perpétue ce geste, offrant son soutien sans rien attendre en retour. Pour lui, ce n’est pas qu’une simple transaction commerciale. Chaque sachet plastique qu’il achète devient un symbole d’une solidarité envers ces déplacés. « Ils n’ont pas demandé à être dans cette situation, » dit-il avec une sincérité émouvante, « ça peut arriver à tout le monde ».
Dans le silence de la nuit qui tombe sur Boromo, Moussa quitte l’arbre qui lui sert de bureau et rejoint la terrasse de sa maison, conscient d’avoir offert un peu d’espoir à ces enfants et leurs familles qui luttent pour survivre. Pour lui, cet acte va bien au-delà d’un simple échange commercial. Ces sachets plastiques sont devenus le symbole d’une résistance, celle de gens qui, malgré l’acharnement de la vie, refusent de courber l’échine.
Lagoun Ismael DRABO