Le 10 septembre 2024, le monde a commémoré la journée de prévention du suicide. Au Burkina, le désespoir, le stress ou l’anxiété poussent certaines personnes à ne plus croire en la vie et à vouloir l’écourter. Certains commettent l’irréparable, d’autres, in extremis, réussissent à se ressaisir et à trouver mille raisons de vivre.
Roukiata Sedego est une survivante. Il y a quelques années, alors qu’elle vient juste de réussir à son Certificat d’étude primaire, elle connait la douleur de l’excision. Par la suite, ses parents l’envoient dans un internat. Cette étape de sa vie est un fardeau pour la jeune fille qui doit s’adapter à un nouvel environnement. Loin des parents et surtout avec les séquelles de la mutilation génitale. De retour de l’internat, sa situation psychologique ne s’améliore pas. La jeune fille sombre dans la dépression et tente de se suicider. Elle est alors en classe de seconde.
Sous une fine pluie, elle nous reçoit avec le sourire. C’est une jeune femme de taille moyenne, vêtue d’un pagne avec un chemisier noir et voilée de rouge-bordeaux. Son sourire s’efface lorsque que assise, les doigts entremêlés et posés sur ces genoux, elle se rappelle avec tristesse. « J’ai pris un certain nombre de médicaments. Heureusement je n’ai pas pu aller plus loin, j’ai vite recraché. J’ai toujours été une personne dépressive à cause d’un certain nombre de choses qui ont touché ma vie. Aux plans personnel, familial ou professionnel », raconte-t-elle.
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Après, Roukiatou décide de se prendre en main. Elle se réfugie dans la lecture et dans la religion. Ses interactions avec son entourage et la consultation de spécialiste en santé mentale lui permettent aussi de se décharger des idées négatives et suicidaires. Consciente que plusieurs personnes, dans le silence le plus souvent, traversent ce qu’elle a vécu, la jeune fille partage son expérience à travers les réseaux sociaux.
Dans ses écrits, elle explique comment elle a réussi à sortir des méandres de la tentative de suicide. « Comme je le dis aussi dans mes écrits que je partage sur les réseaux, c’est parce que je voulais toujours aller plus loin de façon positive. Je voulais faire quelque chose d’autre de ma vie que de toujours vivre avec cette manière de penser », poursuit-elle.
La rançon du désespoir
Roukiatou Sedego elle, a pu se redonner confiance, de sourire à la vie. D’autres par contre, commettent l’irréparable. Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 720 000 personnes meurent chaque année par suicide. Il est aussi la troisième cause de décès chez les 15-29 ans. L’organisation précise également que 73% des suicides dans le monde surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Karidia Sinka, psychologue, définit le suicide comme un acte de désespoir qui prend sa source dans les profondeurs de l’âme. Selon elle, une âme qui est triste, désespérée, va prendre intentionnellement la volonté de se donner la mort.
« Les personnes détruites intérieurement, démolies intérieurement ne trouvent plus nécessaire de rester en vie », constate la psychologue pour qui, la mort physique n’est que la dernière phase du suicide parce que certaines personnes ont des suicides psychologiques. « Il y a des malades à l’hôpital qui après tous les examens n’ont rien mais qui vont quand même mourir. Parce qu’ils n’ont pas trouvé des solutions intérieurement pour avoir le goût à la vie, la joie de vivre. Et extérieurement, leurs proches n’étant pas psychologue n’ont pas su leur donner des conseils nécessaires », constate avec impuissance Karidia Sinka.
Savoir écouter et observer
Selon que l’on soit civil ou militaire, le suicide n’est pas perçu de la même manière vis-à-vis de la loi.Le Major de Gendarmerie Sidiki Sinka explique que le civil étant l’auteur et la victime, l’acte de suicide est prescrit et donc ne peut être réprimé. « Quant au milieu militaire, le fait de se donner la mort par suicide, est sanctionné. Le bureau de garnison qui est chargé d’inhumer tous les militaires qui sont décédés va prendre toutes les dispositions nécessaires pour que la victime n’ait pas d’oraisons funèbres », relève l’officier de police judiciaire à la retraite.
Mais avant d’en arriver là, la psychologue Karidia Sinka, rassure qu’il existe des mécanismes pour sortir les patients de leurs envies suicidaires. « Lorsqu’il s’agit des enfants, on va utiliser la psychopédagogie, qui va faire renaître beaucoup de joie de vivre chez l’enfant pour qu’il reconnaisse qu’il a intérêt à vivre heureux, ensuite, on l’aide à comprendre les épreuves et on lui dit que les épreuves sont utiles pour l’aider à être fort intérieurement », dit-elle.
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Par contre, quand le sujet est adulte, il est fait recours au psychologue social du travail ou des organisations. Karidia précise que dans certains cas, le psychopathologue est aussi sollicité quand le patient présente des signes de démence ou de folie.
« Dès qu’une personne proche de vous vous exprime qu’il est mal dans sa peau, accordez-lui un temps d’écoute. On appelle ça les 15 minutes de folie en psychologie. En 15 minutes vous pouvez déjà l’aider, le fait de dire le problème, 50 % de son poids est allégé et votre oreille prend les 50 % », suggère la psychologue.
Rokiatou Sedego a repris goût à la vie et encourage les personnes qui traversent des moments difficiles et qui pensent au pire à oser en parler autour d’eux, et à accepter la main tendue. « Chacun va trouver la meilleure méthode pour lui, chacun va trouver la manière d’oublier», se convainc la jeune fille.
Linda Ouédraogo