« Ventre affamé n’a point d’oreilles », dit-on. Ce dicton populaire est bien compris dans les universités publiques du Burkina Faso. La présence des restaurants universitaires (RU) le justifie à souhait. Mais au-delà de fournir à manger, le RU est un véritable soutien à des étudiants dont les conditions socio-économiques ne sentent pas la rose.
Il est 11h au restaurant de l’université Joseph Ki-Zerbo. C’est l’heure de manger. Une longue file d’étudiants serpente devant les comptoirs, chacun attendant son tour. Certains bavardent discrètement, d’autres ont le téléphone en main, scrollant. Tout est bon pour rendre l’attente moins pénible. La faim tenaille et la taille des rangs n’arrange pas les choses. Mais le tintement des plateaux en métal résonne dans la grande salle. Ce bruit nourrit l’espoir de ceux qui patientent.
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Derrière les comptoirs, le personnel en service s’affaire. Gestes rapides. Mouvements mécaniques. La mine des gens en face met de la pression. Mais il s’agit aussi de servir le maximum de repas, car le restaurant ne fonctionne pas en permanence (10h-14h et 17h- 19h). Il dépose des portions de riz, de sauce, de poisson ou de viande sur les plateaux des étudiants, sans s’arrêter. Quelques échanges de sourires avec les clients réguliers brisent la routine du travail. Les plats dégagent un délicieux parfum qui emplit l’air d’un appétissant fumet de sauce arachide.
Déjà, plusieurs étudiants sont à table, en groupes ou en solitaire. À ce niveau, il y a plus d’entrain dans les conversations. Ce brouhaha se mêle de façon synchrone au bruit des cuillères raclant les assiettes, et cela ressemble fort à une mélodie savamment orchestrée. Mais ça, c’est pour ceux qui mangent à la cuillère ou à la fourchette. Certains préfèrent la main.
Pourquoi manger au restaurant universitaire ?
Mais pour s’asseoir à cette table, il faut passer par des étapes. « Il faut que tu te fasses enrôler d’abord. Une fois que tu es enrôlé, à ce moment-là, tu peux passer à l’achat des tickets. Et dès que tu fais l’achat des tickets, tu viens ici, tu tapes. Si c’est validé, on va te donner le passeport », explique une étudiante de première année de Maths, Physique, Chimie et Informatique (MPCI). Ayant requis l’anonymat, elle précise que pour l’enrôlement, les documents demandés sont l’attestation d’inscription, la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) et un numéro de compte Orange money.
L’étudiant en première année d’études anglophones, Ibrahim Ouédraogo, réside à Tanghin, un quartier périphérique, avec pour tout moyen de déplacement une bicyclette. À l’en croire, le RU est une bénédiction, au regard des conditions socio-économiques de certains étudiants. « Souvent, c’est très compliqué. Il y a certains, les parents ne sont pas à Ouaga. (…) Et pour un étudiant qui va venir à l’université pour suivre les cours du matin jusqu’au soir, ce n’est pas facile. Donc dans cette situation, au moins, si tu as ton petit jeton, tu peux acheter tes tickets et tu prends les plats là. 100 francs, 100 francs, tu te débrouilles », se défend-il.
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Il ajoute que le plat coûte 100 francs. Et on permet de manger deux fois par jour. Cela est une bénédiction dans la mesure où « (..) quand tu es au quartier et que tu veux manger, tu es obligé de dépenser une grande somme. Et dans ça même, tu vas manger et tu ne seras pas rassasié », fait savoir Ibrahim.
L’étudiante en mathématique est du même avis : « Le RU nous sauve. Ça, je ne peux pas mentir, ça nous sauve! Parce qu’on sait qu’on ne peut pas acheter cette nourriture à 100 F CFA ».
Selon ses propos, c’est le statut d’étudiant qui impose de prendre ses repas au restaurant universitaire. « Étant étudiants là, on n’a même pas l’argent, on se débrouille avec le peu qu’on a », tranche-t-elle.
Chaque repas au RU coûte, en vrai, 600 F CFA
Et dans ce sens, selon le directeur de l’hébergement et de la restauration universitaire du Centre national des œuvres universitaires (CENOU), Médard Alain Bado, il est mis à la disposition de chaque étudiant, « environ 70 plats dans le mois, à raison de 100 F CFA l’unité » et ce, « durant les dix mois de l’année académique ».
Il précise que ce montant ne signifie pas que les repas sont de mauvaise qualité. Sur, par exemple, l’ensemble des huit sites de restaurant universitaire de Ouagadougou, chaque étudiant a droit à deux repas par jour, et chaque repas coûte, en vrai, 600 F CFA.
Mais il n’est demandé que 100 F CFA à l’étudiant, le différentiel étant subventionné par l’Etat burkinabè. Du reste pour l’assurance de la qualité, Médard Alain Bado confie que le CENOU a signé un contrat avec le Laboratoire de biologie moléculaire, d’épidémiologie et de surveillance des bactéries et virus transmis par les aliments (LaBESTA) qui « fait des prélèvements au niveau des treize régions universitaires pour juger de la qualité des repas« .
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Toutefois, certains étudiants trouvent souvent à redire sur la qualité des repas, et aussi sur l’hygiène. « Si vous prenez la nourriture, c’est salé ! Souvent, même la sauce, c’est comme s’ils ont mis de l’eau dedans. Bon, en tout cas, c’est un peu bizarre », dit l’un d’eux. Pour un autre, Ibrahim, « la quantité varie. Souvent, tu trouves que la quantité y est, souvent aussi, il n’y en a pas. Mais si on pouvait revoir un peu la qualité, ça nous ferait plaisir ».
En dehors de cela, c’est la longueur des rangs que les étudiants regrettent, pour l’essentiel. Et au regard de la digitalisation, des problèmes de connexion font souvent des blocages.
Boureima Dembélé