A Koudougou dans la région du Centre-ouest, les ondes de la radio associative à vocation communautaire ‘’Radio Palabre’’ contribuent à résoudre les conflits. Comme sous l’arbre à palabre dans les temps anciens. Depuis 30 ans, les émissions dirigées vers le monde rural sont également axées sur les idées et pratiques qui favorisent le développement.
Une radio animée par des enseignants, des techniciens d’agriculture, des étudiants, des professionnels de la santé…Une grille de programme élaborée après avoir écouté les besoins des communautés. C’est la particularité de Radio Palabre crée en mars 1994 par l’association Benebnooma.
« Ce sont souvent des fonctionnaires, des enseignants, qui viennent nous parler des questions d’éducation. Des infirmiers à qui on attribue des tranches, pour parler de santé. Le sport, et ainsi de suite. Et il y a aussi des paysans. La plupart des émissions sur le monde rural, sur l’agriculture, sont animées par des paysans », explique le Directeur de la radio, Simon Gansonré. Il précise que certains collaborateurs ont plus de 20 ans de présence à la radio.
Pour lui, l’implication des communautés dans l’animation et dans l’élaboration de la grille de programme a boosté le taux d’audience de la radio. « Nous avons, à partir de cette implication, vu que ça a même fait monter notre audience (…) Et même pour l’élaboration de la grille des programmes, on tient une rencontre avec tous ces gens. Cela contribue à conforter l’assise de la radio », soutient le Directeur.
Vivre sa passion, être utile à sa communauté
Il est 11h et Pierre Tiendrébéogo vient de quitter l’antenne. Depuis 10h, il animait une émission sur l’agro écologie avec des invités d’une Organisation non gouvernementale (ONG) locale. Pierre est professeur d’Histoire-géographie et depuis 2019, il vit pleinement sa passion pour le micro. « Depuis l’enfance, j’ai toujours aimé la radio. J’ai demandé un stage au début. Par la suite, le Directeur m’a confié deux émissions : Les palabres de l’actualité et Droit au but», dit-il, le visage rayonnant de fierté.
Comme lui, plusieurs animateurs ne sont pas des professionnels de l’information et de la communication. Mathieu Bationo, technicien supérieur d’agriculture est à la retraite. Mais il met son expérience de plusieurs décennies au profit du plus grand nombre. Bercé par la radio depuis tout petit, « Papy » vit à Tenabo, 25 km de Koudougou. Encore solide et plein d’entrain, il vient régulièrement dans le chef-lieu de province. Entre autres, pour animer une émission sur l’agriculture. « C’est ma deuxième épouse », déclare-t-il en parlant de la radio.
Selon lui, le changement qualitatif dans le monde rural en proie à plusieurs défis, ne peut s’opérer que par les ondes de la radio. «Le monde rural apprend beaucoup à partir de cette radio. C’est cela qui amène le développement. Je parle des semences, des engrais, de la pluviométrie, des parasites qui affectent le rendement. On arrive à toucher le maximum de producteur. Le soir après les champs, les gens écoutent beaucoup la radio », poursuit-il, en insistant sur le plaisir qu’il prend en animant en langue liélé, l’une des langues parlées dans la localité.
Pendant que le retraité vit sa passion, les auditeurs en profitent pour apprendre sur les meilleures techniques agricoles.
Des émissions qui impactent
Les ondes du développement sont également des ondes de médiation. En effet, le Directeur, non sans fierté, rappelle que Radio Palabre a « soulevé des questions, des préoccupations majeures dans la région qui ont trouvé des solutions ». Des problèmes de gouvernance dans les collectivités territoriales, mais également l’épineuse question des déflatés de la défunte usine Faso Fani. Le gouvernement d’alors était aux prises avec les ex-travailleurs de l’usine.
« Il y a eu écho de l’émission où les gens qui n’avaient pas toutes les informations, tous les contours du dossier. Ils ont vraiment déploré l’attitude de l’État, de l’avocat. Les politiques ont pesé de leur poids pour donner un début de solution(…) On a même fait des reportages sur la vie des déflatés pour dire à quel point, socialement, cette situation est très négative pour la communauté, même pour les travailleurs », se rappelle le Directeur. Il n’oublie qu’au début, l’affaire a failli créer des problèmes à la radio qui osait mettre l’Etat face à ses responsabilités.
Les émissions interactives sont particulièrement prisées par les auditeurs. « Ce qui me plaît, c’est l’accessibilité de la radio et la pluralité des émissions. J’aime particulièrement les émissions interactives », note Sylvestre Léandre Zoma à Ramongo. Un village situé à moins de 20 km de Koudougou.
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En tant qu’acteur de l’éducation, Gilbert Kaboré lui dit aimer particulièrement les émissions en lien avec l’éducation, mais pas seulement. « Radio Palabre est vraiment une radio de proximité, qui traite des problèmes réels des populations comme l’éducation, la santé, l’intégration, l’agriculture. Elle nous permet de nous informer, de nous former pour être des citoyens modèles », se réjouit le fidèle auditeur.
Le défis de Simon Gansoré et son équipe, c’est « comment vraiment maintenir cette assise que nous avons au niveau de la région en termes de personnel, de ressources humaines et des ressources financières? ». La passion seule ne suffit pas. Mais quand le Directeur regarde la multitude de distinctions nationale et sous régionale placardées sur les murs de son bureau, il sait qu’il faut toujours se réinventer. Ce, pour continuer à être l’arbre à palabre à grande diffusion qui libère la parole paysanne.
Tiga Cheick Sawadogo