Dans la commune rurale de Pâ, située à plus de 220 km de Ouagadougou, Samuel Nabié, se distingue par un choix particulier. Il a décidé de troquer les bancs de l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou pour les champs de légumes. Sans regret.
Depuis plus de deux ans et demi, Samuel, étudiant en philosophie, s’est reconverti en maraîcher. Son objectif, subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Situé à seulement 3 km de la RN1, le jardin maraîcher de Samuel bénéficie de l’accès constant à l’eau grâce à un barrage. Celui-ci a l’avantage d’être une source d’eau intarissable. Et le jeune homme en profite pour cultiver son jardin maraîcher qui s’étend aujourd’hui sur près de 3,5 hectares.
Arrivé à Ouagadougou pour ses études après l’obtention du baccalauréat série littéraire, Samuel est vite confronté aux difficultés de la vie estudiantine. Il doit totalement se prendre en charge en termes de loyer, de déplacement et de restauration. « J’ai fait les premières années de philosophie mais je me suis rendu compte que c’était compliqué pour les besoins journaliers. Au village, tu te rends compte que les parents n’arrivent pas à tenir. Ils peuvent t’envoyer 5 mille francs CFA le mois. Alors qu’à Ouaga, ne serait-ce que le loyer uniquement, c’est déjà compliqué », explique-t-il avec une pointe d’amertume.
Le maraichage au secours
Face aux difficultés, il décide de retourner à Pâ et se mettre au maraichage. « Mon père pratiquait ça déjà un peu. Il cultivait l’aubergine. Je suis donc venu l’aider », se souvient-il. A côté du champ familial, le grand barrage de Pâ offre une source d’eau intarissable. Il décide d’abord de cultiver l’aubergine qu’il juge plus productif et très rentable. « J’ai installé ça à moins de 100 m du barrage pour faciliter l’arrosage », explique-t-il. Il utilise une vieille motopompe de son père pour l’arrosage des plants.
En quelques semaines, les premiers résultats sont satisfaisants. Les récoltes se firent tous les cinq jours. Cette stratégie permet à Samuel Nabié de se faire ses premières économies. Près de 900 mille francs CFA en trois mois, jure-t-il.
Les bénéfices permirent alors à Samuel d’investir dans d’autres légumes. Il applique cette même stratégie chaque année pour diversifier son activité. En plus de l’aubergine, l’ancien aspirant philosophe, cultive également du chou, de la tomate, des courgettes, du concombre. « Cette année, je vais expérimenter le piment », promet-il tout joyeux. Plus qu’une source de revenus, le maraichage est devenu pour Samuel une passion.
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Le barrage de Pâ est une richesse ignorée par les jeunes de la localité, selon le jeune homme. La plupart préfère s’expatrier à la recherche de l’or. « A Pâ, les gens trouvent que le maraîchage est une activité difficile. Donc, ils ne s’y mettent pas vraiment parce qu’ils se disent qu’il faut travailler dur et il faut mettre les moyens », observe Samuel. Le jeune homme attribue ce manque d’intérêt à l’absence d’exemple de réussite dans le domaine. A Pâ, beaucoup de jeunes se tournent plus vers le commerce.
Samuel, lui, n’a pas à se soucier du manque d’eau. Pour cela, il se donne corps et âme. « Le barrage ne tarit pas, contrairement aux autres barrages à côté. A toute période, il y a de l’eau. Même en période de chaleur, nous avons toujours l’eau », dit-il.
Le jeune maraicher est confronté à trois difficultés principales. D’abord, le manque de moyen qui l’empêche d’avoir une motopompe adaptée pour bien irriguer son jardin. Ensuite, vient le manque de main d’œuvre. « Il y a souvent des gens que nous employons qui partent rendre visite à leurs familles et qui font plus de deux semaines. Pendant ce temps, vous êtes obligés de faire le travail de deux personnes », explique-t-il. Pour le moment, un jeune adolescent accepte d’apprendre à ses côtés. Samuel espère lui transmettre la passion de cette activité.
Quelques difficultés
Enfin, la cherté des semences agricoles et de l’engrais dont la plupart est importée. Cela n’empêche pas Samuel d’avoir des ambitions. Il veut multiplier les spéculations.
Sa mère, Pauline, ne cache pas sa fierté. « Ce qu’il fait est bien parce que ça nous aide beaucoup. Son activité est bien parce qu’avec cela, il nous aide à payer les frais de scolarité de ses frères », reconnait-t-elle.
Les obstacles auxquels il fait face ne l’inquiètent aucunement. « Je ne regrette pas. Même si je n’ai pas encore atteint la liberté financière, je suis fier parce que c’est une activité que j’aime », affirme-t-il. Samuel souhaite que les jeunes de sa commune puissent exploiter le potentiel du barrage de Pâ. Pour cela, il veut d’abord donner l’exemple en devenant un modèle de réussite.
Boukari Ouédraogo