Donald Trump, président des États-Unis entre 2016 et 2020, fait son come-back à la Maison Blanche après l’élection le 5 novembre 2024. Il effectue son retour avec pour ambition de redéfinir la politique nationale et internationale des États-Unis. Quelles implications ce retour de Donald Trump peut avoir le Burkina Faso et plus largement l’Afrique ? Dans cette interview, Assamadou Guiré, membre de la société burkinabè de géopolitique, analyse l’impact de ce retour de Donald Trump au pouvoir. Il voit une perspective d’auto-détermination pour les pays africains.
Donald Trump a été élu président de la république pour succéder à Joe Biden, fallait-il s’attendre au retour de Trump au pouvoir ?
Oui. Il fallait s’y attendre (…) tout simplement parce qu’il faut comprendre que le peuple américain était en détresse. Donald Trump, pendant son premier mandat, a été celui-là qui, économiquement, a pu travailler de sorte à ce que le pays puisse tenir du point de vue économique. L’autre point également, c’est que les anciennes autorités sous Biden ont engagé les États-Unis dans une guerre inutile dans laquelle on avait des lobbys qui protégeaient leurs propres intérêts. Je veux parler de l’implication des Etats-Unis au niveau de la guerre à l’Ukraine. Et tout cela a entraîné un chaos économique aux États-Unis. Le peuple américain a compris la nécessité de revoir la dynamique en choisissant le président Trump.
Est-ce une opportunité pour le Burkina Faso ?
L’élection de Trump est une bouffée d’oxygène pour les États en lutte pour leur autodétermination parce que dès lors que vous êtes dans une posture de vous libérer des griffes de l’impérialisme occidental, vous êtes confrontés à la réaction de cet impérialisme. Aujourd’hui, ayant un républicain qui prône un nationalisme américain, nous pouvons dire que cela pourrait être une bouffée d’oxygène pour nous [Burkina Faso]. Nos autorités, nos dirigeants doivent revoir stratégiquement leur posture parce que nous serons encore dans une nouvelle dynamique géopolitique mondiale.
Qu’est ce qui pourrait changer dans les relations entre les États-Unis et l’Afrique quand on sait que durant sa campagne, il n’a aucunement mentionné l’Afrique ?
Il faut comprendre que Donald Trump est dans une vision d’isolationnisme américain, contrairement aux démocrates qui sont dans une posture d’interventionnisme. Il est aussi dans une vision de protectionnisme américain. Tout ceci peut naturellement impacter la géopolitique mondiale parce que du point de vue monétaire, les États-Unis sont la première puissance mondiale. Du point de vue militaire également, c’est la première puissance mondiale. Je parlais tantôt de l’intervention américaine dans la guerre en Ukraine.
L’arrivée de Donald Trump au niveau de la maison blanche pourrait impacter ou réorienter le conflit en Ukraine. L’autre élément aussi, nous sommes dans une dynamique d’auto-détermination où nous avons des autorités qui veulent instaurer la dignité ou du moins la souveraineté de notre peuple, ceux que nous indexons comme impérialistes, le chef de file, ce sont les États-Unis. Si nous avons un chef d’État comme Donald Trump qui prône l’isolationnisme, son arrivée à la tête des États-Unis pourrait être une bouffée d’oxygène pour les États de l’AES.
Une modification des relations commerciales
Lors de son premier mandat, il avait traité les pays africains de « pays de merde ». Est-ce que cela n’a pas laissé un mauvais souvenir dans l’esprit des Africains ?
Il l’a dit dans un contexte en qualifiant les pays africains de « pays de merde » parce qu’il ne pouvait pas comprendre certaines attitudes de certains chefs d’État. On peut le comprendre à un certain niveau mais il le disait dans un contexte. Durant son premier mandat, Trump a été celui-là qui n’a pas intervenu au niveau de l’Afrique.
Contrairement à son prédécesseur à l’époque, Barack Obama qui a intervenu au niveau de la Libye et même au niveau de la Côte d’Ivoire. Lors de son mandat passé, il était distant des pays africains. Nous estimons que c’est une posture qui pourrait nous arranger parce qu’aujourd’hui les peuples africains aspirent à conquérir leur souveraineté et nous n’avons pas besoin que certaines puissances s’immiscent dans nos différentes politiques intérieures.
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Donald Trump propose d’imposer des barrières douanières avec des taxes d’au moins 10% alors que des accords permettaient à des pays d’exporter sans taxe de douane à l’extérieur. Cela ne risque-t-il pas de peser sur les pays africains ?
Naturellement, cela aura des impacts sur nos différentes économiques mais il faut rappeler qu’en terme de commerce mondiale, les chiffres de l’OMC sont clairs. Nous ne représentons que moins de 10% [dans la balance commerciale mondiale]. Ce qui veut dire que nous vendons moins à ces États. Par mesure de prudence géostratégique, nous devons aussi comprendre qu’il faut instaurer des frais de douanes pour que nos économies puissent tenir face à n’importe quelle politique de réajustement que Trump pourrait avoir dès son investiture au niveau de la Maison blanche. (…)
Il y a aussi la question de l’immigration qui préoccupe certaines personnes…
Trump est dans une logique d’isolationniste. C’est un nationaliste fervent. Il y a une réalité qui ne dit pas son nom au niveau des Etats-Unis. L’immigration massive créée des problèmes sociaux. Ces problèmes sociaux, naturellement, ont animé la campagne américaine. (…) Il a promis de mettre des barrières douanières. En tant que nationaliste, cela se comprend. (…)
Nous pensons aussi que ces types de postures doivent amener la population africaine à comprendre la nécessité, non seulement, de se réaffirmer du point de vu local au niveau de leurs nations et cela doit nous amener à comprendre, dans la lucidité, dans l’intelligence, à travailler de sorte que nos pays soient comme les États-Unis d’Amérique, l’Allemagne ou que l’Afrique soit comme l’Union européenne pour que d’autres populations viennent ici. Sinon, au niveau de l’Afrique, nous pensons que si c’est pour des études et autres, il faut aller chercher la connaissance partout. Si c’est l’immigration pour « aller se chercher » comme on le dit, nous pensons que le meilleur paradis c’est chez soi. (…)
Comment l’élection de Donald Trump peut-elle contribuer à la lutte contre le terrorisme dans le Sahel ?
La politique d’isolationnisme fait que lors de son mandat passé, il a réduit considérablement le budget lié à l’intervention militaire à l’extérieur. Nous estimons que si une fois à la maison blanche après son investiture le 20 janvier 2025, s’il va dans cette même posture, dans cette même dynamique, cela aura forcément des conséquences sur la situation sécuritaire dans pas mal de région. Mais cela pourra aussi donner l’opportunité à certaines puissances de s’impliquer davantage. Je veux parler de la Russie, de la Chine qui sont des Etats qui interviennent militairement au niveau de certaines régions du Sahel.
S’il faut retirer leurs soldats dans certaines régions, nous pensons qu’il y a d’autres puissances qui pourront combler le vide. Mais toujours est-il que sur le plan formation, équipement, nous sommes plus ou moins dans la multi-polarisation du monde. Aujourd’hui, quoi qu’on dise, militairement, c’est vrai que les Etats Unis sont les meilleurs mais on a aussi la Chine, la Russie, la Turquie qui, aujourd’hui, constituent aussi des pays militairement imposants. Nous pensons que l’impact ne sera pas aussi considérable comme on puisse l’imaginer.