Bruit de bulldozer sur la voie de contournement Nord et Sud de la ville de Ouagadougou. Cette fois, pas pour construire, mais pour détruire. Après les sensibilisations et communiqués demandant aux populations de libérer l’emprise de la voie, c’est la démolition. Pendant que certains clament leur ignorance, d’autres ont demandé vainement un sursis de quelques jours.
Un après-midi calme à Godin, dans le village de Gampéla à la sortie Est de la capitale. Dans un débit de boisson non loin de la voie de contournement, quelques clients font la causette devant des bouteilles de bière. Le visage grave, le propriétaire des lieux, Landry Nana, lui sirote de la sucrerie. Il y a quelques jours, son débit de boisson a été marqué d’une croix rouge accompagnée de l’inscription « à démolir ».
« Quand je construisais mon débit de boisson, aucune balise n’était à ce niveau. J’ai construit mon espace depuis plus de deux ans. J’ai devancé leurs balises. Il n’y avait aucun signe pour marquer la limite à ne pas franchir. Qui verra cet insigne et puis investir quand même, personne », se défend le jeune commerçant.
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Selon lui, il y a à peine une semaine que des agents sont venus marquer son infrastructure. « Je les entendais dire « ça là, ça y est dedans. Ici là on coupe », précise-t-il, la mine déconfite. Landry Nana appréhende désormais les pertes qu’il va devoir subir. « J’avais mis des tôles simples. C’est quand j’ai changé les tôles pour mettre les tôles bac qu’ils sont venus marquer. C’est le lendemain ou le surlendemain qu’ils sont venus mettre la peinture », ajoute-t-il.
A environ 6 km de là, le vieux Mouni Dondassé dans le village de Tanghin, semble être un bon élève. Il a construit sa boutique loin de l’emprise, après avoir été dédommagé lors de la construction de la route de contournement. « Nous sommes conscients qu’en voyant ça (les balises, Ndlr.), nous ne devons pas faire quelque chose dans ce domaine », dit-il. A la question de savoir ce qu’il pense de ceux qui construisent sur l’emprise, il répond qu’ils devraient faire face aux conséquences : « Ah, eux-mêmes devraient savoir que viendra un moment où ils devront partir. On va casser et libérer la route. Ça ne nous appartient pas et on le sait ».
Du plus simple au plus compliqué
Les machines sont entrées en action le lendemain de notre passage chez Landry Nana et Mouni Dondassé. A Pabré, une autre commune traversée par la voie de contournement, le Secrétariat technique de l’Autorité nationale de coordination du foncier (ANCF), accompagné de policiers, a procédé au lancement officiel de démolition des constructions et autres installations sur l’emprise de la voie de contournement. Ainsi, des murs, des maisons, des boutiques, stations d’essence, débits de boisson ont succombé au passage du mastodonte, sous les regards impuissants de leurs propriétaires.
« Je ne savais pas que j’étais sur l’emprise. Ils sont venus marquer chez les voisins mais pas chez nous. Donc nous ne savions pas que nous étions concernés. Nous allons nous exécuter, comme c’est pour la bonne cause, nous nous plions seulement », dira Issa Ouédraogo qui s’affaire à sauver ce qui peut encore l’être avant la démolition.
Alors que jusque-là, la mission se déroulait sans encombre, elle bute sur les tentatives d’opposition de démolition d’une partie de la station-service en construction et du mur d’un grand espace. En effet, le propriétaire Jean-Joël Kaboré fait des pieds et des mains pour demander l’indulgence de l’équipe conduite par Yacouba Siko, directeur général de l’Office national du contrôle des aménagements et des constructions (ONC-AC).
Vaines tentatives
« Si on était intervenu avant le début des travaux, je vous jure au nom de Dieu qu’on n’allait pas faire. On a fini de construire en 2022 avant qu’on ne vienne mettre les balises. Personne ne nous a interpellés pendant la construction. J’ai payé le terrain en 2021, et j’ai fait la demande d’autorisation de construire à la mairie de Saaba et elle m’a autorisé à installer la station », explique Jean-Joël Kaboré. Pendant ce temps, le conducteur du bulldozer a l’air impatient d’entrer en action.
« Mais l’emprise de la route a été limitée depuis 2008. Vous avez le communiqué ? », lance Yacouba Siko à Jean-Joël Kaboré. « Je vous jure que je n’ai pas vu », rétorque-t-il. Malgré tout, ordre est donné à la machine de détruire une partie du mur. « Nous sommes des burkinabè entre nous, je participe aussi à la construction du pays. Je ne suis pas un ennemi de la nation. La façon de détruire me décourage et me démoralise », maugrée l’entrepreneur.
Aucun dédommagement encore
Yacouba Siko explique que c’est la rançon de l’incivisme. « Nous avons à maintes reprises entrepris des sensibilisations. Nous avons fait le tour de la voie de contournement pour sensibiliser depuis juillet 2023. Le contrôle a été refait et on a constaté une forme d’anarchie qui s’installait sur l’emprise de la voie », dit-il. En plus, il rappelle le communiqué du 8 janvier invitant sans délai ceux qui étaient sur l’emprise de la voie de contournement à enlever leurs réalisations.
Le directeur général des infrastructures de transport, Moumouni Ilboudo a quant à lui préciser que les riverains avaient été dédommagés à hauteur de 9 milliards avant la construction de la voie. De ce fait, ils ne devraient plus s’installer sur l’emprise située à 100 m de part et d’autre de la route.
Tiga Cheick Sawadogo