Achat et vente d’argent, un commerce atypique à Ouaga

Achat et vente d’argent, un commerce atypique à Ouaga

Il s’est développé à Ouagadougou et certainement dans d’autres localités du pays, un commerce d’un genre nouveau qui consiste en l’achat des billets de banque en mauvais état. Brûlés, déchirés, mangés par des souris, ces billets sont pris à la moitié de leur valeur pour ensuite être ramenés à la Banque centrale. Voici comment on achète de l’argent avec de l’argent, à Ouagadougou.

« Allô allô, j’échange l’argent déchiré ! ». Il n’est pas rare d’entendre ce message, en langue locale mooré, diffusé dans des coins de rue, à Ouagadougou. Un haut-parleur ! Une plaque avec des numéros de téléphones. Des photos de billets de banque mutilés. C’est le décor de ces banques dans la rue. Le business des acheteurs de billets de banque mutilés. Commerce atypique ! Utiliser des billets de banque pour en acheter d’autres, de même devise. Mais il faut spécifier que ce sont des billets de banque avec un défaut qui sont rachetés. Défaut qui fait que les détenteurs ne peuvent pas les utiliser pour faire des achats.

Installé à proximité du marché de volaille de Bissighin, un quartier de la périphérie nord de Ouagadougou sur la RN2, Salam Sawadogo, la trentaine, explique : « Ce sont les billets de banque gâtés qu’on prend. Ce que les termites ou les souris ont bouffé. Ça peut être le feu qui a brûlé. S’il y a les numéros dessus, on prend ». Les mêmes critères sont considérés dans le petit commerce… d’argent de Alassane Ouédraogo, 23 ans. Ce dernier opère sur deux sites, à Pissy et à Bonheur ville, des quartiers de Ouagadougou. Il précise que pour un billet divisé au milieu, il ne prend que lorsque c’est la plus grande partie qui lui est amenée.

A lire aussi: Money Cake : L’amour en…espèces

Dans une note sur son site web, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) fait comprendre que ce qui peut être accepté concerne « les billets incomplets, très fortement abîmés notamment par l’eau ou par le feu ou qui a subi d’autres formes de détérioration. Les billets généralement trop endommagés ou friables pour servir de moyen de paiement, ou leur état est tel que l’on doit recourir à un examen spécial pour en déterminer la valeur ».

Un billet déchiré qui fait l’objet d’une transaction (Ph. Studio Yafa)

Les acheteurs de billets de banque mutilés détaillent que dans ce commerce d’argent, ils achètent à la moitié de la valeur faciale du billet usagé. Ainsi, pour une coupure de 10 000 F CFA mutilée, par exemple, le client prend 5 000 F CFA.

Que font-ils des billets achetés ?

Les acheteurs de billets de banque confient qu’après avoir rassemblé les billets pendant un ou deux mois, ils se rendent à la direction nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Ouagadougou. Ils arrivent à ce niveau à récupérer des billets neufs à la place de ceux usagés. Mais là, le billet échangé ne perd pas sa valeur. Le montant reçu est le même que celui remis. S’ils donnent un billet mutilé de 10 000 F CFA, ils prennent un billet de 10 000 F CFA en bon état. Dans un communiqué, la BCEAO confirme que « l’échange est gratuit, sauf dans des cas très particuliers ».

Après des années d’apprentissage avec son frère ainé, Alassane explique que cette activité est sa seule source de revenus. Aussi, il regrette la morosité du marché depuis un certain temps, confiant qu’: « (…) avant on pouvait racheter 15 000 F CFA par jour ».

A lire aussi: Ouagadougou: 1 million de dollars en faux billets saisis

La banque rassure qu’il y a en son sein, un service d’échange pour de tels billets, précisant que « certains échanges peuvent toutefois être différés en fonction de la dégradation et de la superficie du billet présenté ». Mais dans le principe, elle est formelle, la demande de remboursement ou d’échange s’effectue « obligatoirement » à ses guichets. Pour ce faire, le détenteur d’un billet mutilé doit avoir sur lui, un document d’identification laissant voir sa photo, ses nom et prénom et une adresse.

Toutefois, la BCEAO refuse certains billets, les déclarant sans valeur. Il s’agit, entre autres, des billets volontairement mutilés. Sont aussi de cette catégorie, les billets reconstitués frauduleusement à l’aide de morceaux appartenant à plusieurs billets. Également les billets endommagés par une encre provenant d’un dispositif antivol ne peuvent être échangés.

Boureima DEMBELE