Coiffures uniformes dans les écoles du Burkina, les élèves sous le même peigne
Des élèves du Lycée Nelson Mandela de Ouagadougou, avec des coiffures uniformes. Photo: Studio Yafa.

Coiffures uniformes dans les écoles du Burkina, les élèves sous le même peigne

Depuis le 1er avril, tous les élèves des lycées et collèges du Burkina Faso doivent avoir une coiffure uniforme : des tresses ou nattes chez les filles, une coiffure à ras chez les garçons. Mais cette mesure du gouvernement, qui vise à mettre les élèves sur le même pied d’égalité, est diversement appréciée.

Au lycée technique Aboubacar Sangoulé Lamizana de Ouagadougou, un petit groupe d’élèves échange, assis à l’entrée, dans un coin de l’établissement. Parmi eux, Mohamed Sawadogo se distingue par ses cheveux hirsutes. Quant à ses camarades, ils sont tous coiffés à ras. Mohamed n’est pas en classe aujourd’hui pour une raison. « Ce matin, on m’a fait sortir parce que je ne me suis pas coiffé à ras comme l’exige la nouvelle réglementation », soupire-t-il tout en se passant la main sur les cheveux. Le garçon reconnaît qu’il préfère garder ses cheveux.

Depuis le mardi 1ᵉʳ avril, une mesure du gouvernement interdisant les coiffures « fantaisistes » dans les établissements secondaires est entrée en vigueur. Tous les élèves doivent se coiffer de façon uniforme. « La coiffure uniforme des apprenants est faite d’une coupe des cheveux à ras, simple et sans embellissement ni fantaisies quelconques », indique ce décret, qui poursuit : « Toutefois, les tresses et les nattes de cheveux naturels sans mèches et assimilées sont autorisées pour les filles ».

Des élèves mécontents

Mohamed connaît bien le règlement, lu en classe avant les congés du mois de mars. Mais il ne s’attendait pas à ce que la mesure soit si rigoureusement appliquée. Pour continuer à suivre les cours, il promet de se plier au règlement. « J’aime mes cheveux, mais je vais les couper d’ici ce soir pour pouvoir repartir en classe », assure-t-il.

Des élèves au Lycée Aboubacar Sangoulé Lamizana. Photo: Studio Yafa.

Dans la cour du même établissement, un autre élève, préférant garder l’anonymat, est visiblement mécontent. « J’avais l’habitude de garder mes cheveux longs, et aujourd’hui, on nous impose une coupe uniforme. Chaque tête est différente, certains ont des formes de crâne avec des pentes, et ce ne sont pas toutes les coiffures qui sont adaptées. Mais bon, on n’a pas le choix », concède-t-il avec un humour qui provoque des rires chez ses camarades. Mais le jeune homme s’est coiffé comme l’exige la mesure pour ne pas être expulsé par le conseiller d’éducation scolaire du lycée technique Aboubacar Sangoulé Lamizana.

Au lycée Nelson Mandela de Ouagadougou, un calme règne en ce jeudi soir. Certains élèves sont au sport. Joël Kafando a la tête coiffée à ras comme l’exige la mesure. Avec son statut de délégué, il se doit de donner l’exemple. Il n’a donc pas hésité à se plier au règlement. « Avant, certains se permettaient des coiffures qui coûtaient trois mille ou cinq mille francs CFA. Maintenant, plus personne ne pourra se vanter avec sa coupe de cheveux. On est tous élèves, au même niveau », affirme-t-il.

Le règlement existait déjà mais…

Chez les filles, la plupart a la tête nattée, sans aucun artifice. Olivia Kéré, première jumelle, assure que la mesure est bonne. Elle reconnaît que certaines filles avaient des coiffures extravagantes, avec parfois de longues mèches qui cachaient la vue aux autres. Mais, depuis le début de la rentrée, la donne a changé. « Aujourd’hui, les filles qui prenaient beaucoup de temps gagnent en temps pour les études et tout le monde est logé au même niveau », se satisfait la jeune fille. Et sa jumelle de renchérir : « Certaines coiffures gênent en classe, surtout celles avec de grosses mèches, certains camarades passaient le temps à se jouer les jolies ».

Adama Zanté, proviseur du Lycée Nelson Mandela prévoit une meilleure surveillance pour respecter la mesure gouvernementale. Photo: Studio Yafa.

Au lycée Nelson-Mandela, la mesure existait depuis bien longtemps. Seulement, son application était difficile. Certains élèves n’obéissaient pas, tandis que les enseignants manquaient de moyens de pression. Mais, depuis l’annonce de cette mesure, l’administration est devenue plus regardante. « Avant, certaines coiffures étaient sources de conflits entre enseignants et élèves. Aujourd’hui, avec cette mesure, la discipline est renforcée. Ceux qui refusent de se conformer sont systématiquement renvoyés », approuve Adama Zanté, proviseur du lycée Nelson Mandela.

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Pour éviter tout désagrément, Adama Zanté assure avoir pris les dispositions. Le règlement a été mis à la disposition des enseignants principaux, et les conseillers de vie scolaire l’ont lu en classe. Pour lui, cette décision présente plusieurs avantages en termes de gain de temps pour les élèves, qui n’auront plus à passer des heures au salon de coiffure, d’une meilleure hygiène capillaire et d’économies pour les parents.

« Après les uniformes scolaires, cette mesure permet encore plus d’égalité entre élèves. Avant, on pouvait voir la différence entre un élève issu d’une famille aisée et un autre de milieu modeste rien qu’à la coiffure. Désormais, ce ne sera plus le cas », salue le proviseur. Par contre, il y a quelques récalcitrants. Mais Zanté assure que tout sera mis en œuvre pour que la mesure soit totalement respectée.

Un moyen de pression pour l’administration

Au lycée El Ephata International, à l’heure de la sortie, l’on remarque les coiffures uniformes tant chez les garçons que chez les filles. Wendyam Diane Ouédraogo, déléguée, a la tête nattée au style « panam mooré » (ou tresse traditionnelle). « Certaines coiffures fantaisistes prenaient trop de temps et finissaient par sentir mauvais. Avec des tresses simples, c’est plus naturel et on respire mieux », avoue Ouédraogo Wendyam Diane, qui en a déjà fait l’expérience. « Maintenant, tout le monde est égal », assure Abdoul Aziz Diallo, élève en classe de troisième.

Un élève du lycée Ephata International avec ses nattes. Photo: Studio Yafa.

Avec cette mesure, les enseignants estiment avoir un moyen pour interpeller les enfants. Selon Christophe Tirogo, les enseignants n’avaient aucun moyen pour contraindre les élèves à respecter ce point du règlement. « C’est en même temps une identité qu’on instaure dans notre pays pour que cela soit un modèle. En même temps, cela donne une belle image des élèves », estime-t-il.

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Au lycée El Ephata International, le règlement exigeait déjà des coiffures uniformes sans extravagance. Pauline Ouédraogo, chargée d’étude, veille au respect du règlement. Selon elle, malgré la tenue scolaire, la différence se voyait au niveau des tresses. Elle avait du mal à appliquer le règlement qui existait depuis longtemps dans l’établissement. « Certains parents nous disaient que leurs enfants ont fait des twists, avec des cheveux naturels. Ils ne comprenaient pas pourquoi on voulait contraindre leurs enfants à se coiffer », regrette-t-elle. Mais désormais, chacun sait à quoi s’en tenir avec le décret du gouvernement.

Certains parents d’élèves, comme Alima Sawadogo, sont mitigés. « Souvent, on veut que nos enfants aient des cheveux pour faire les tresses qu’elles veulent, mais on va respecter », explique-t-elle. Le gouvernement, pour sa part, prévoit des contrôles dans les établissements pour constater le respect de cette mesure par les établissements et les élèves.

Boukari Ouédraogo