A Titao, les agents communautaires permettent de sauver l’éducation dans un contexte d’insécurité

A Titao, les agents communautaires permettent de sauver l’éducation dans un contexte d’insécurité

Dans la province du Lorum, l’insécurité a compromis l’éducation de milliers d’élèves dans un passé récent. La communauté a dû s’organiser pour redonner l’espoir aux jeunes apprenants. Elle a mis en place des enseignants communautaires volontaires. Certains ne sont pas enseignants de formation, mais s’investissent au quotidien, malgré la hantise, à repousser les barrières de l’ignorance.

Lycée provincial du Loroum, région du Nord du Burkina. Le soleil est au zénith et Adidjatou Komi, élève en classe de Seconde C, vient de quitter une salle de classe, après avoir terminé son dernier cours de la journée. La jeune élève s’apprête à rejoindre sa maison située à quelques kilomètres de là. C’est un retour au source pour l’adolescente. A cause de l’insécurité, elle avait quitté son Lorum natal pour Ouagadougou. De déplacée interne dans la capitale, elle est revenue au bercail pour poursuivre son cursus. Le visage radieux de la jeune élève traduit sa joie de reprendre les cours après le déplacement forcé.

« Nous constatons qu’il y a plus de sécurité à Titao qu’avant. On constate aussi le retour de nos camarades afin de continuer leurs études. Nous plaidons pour que l’État ramène les cantines. Cela nous permettra de rester à midi à l’école et de poursuivre les cours le soir », esquisse Adidjatou.

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Si elle a pu regagner le chemin de l’école, c’est grâce au courage et à l’esprit de sacrifice des enseignants comme Harouna Komi. Professeur de français, il fait partie des rares enseignants volontaires qui ont accepté de rester pendant que leurs collègues ont fui la localité. Depuis 2022, il est aux côtés des élèves pour leur dispenser le savoir.

Grâce à l’engagement des volontaires, des centaines d’élèves ont regagné les classes, Ph: Studio Yafa

Il reconnaît que la situation sécuritaire « n’était pas facile ». La commune et la province se vidaient aussi bien de ses enseignants que de ses élèves. « On voit que la situation au niveau des lycées s’améliore et chaque année on constate un accroissement de l’effectif », se réjouit l’enseignant volontaire. Pour tout salaire, juste des cotisations volontaires et sporadiques initiées par la communautés et un appui de la mairie en termes de vivre.

Un plan B pour sauver l’essentiel

Quand la pression des groupes terroristes a commencé à s’accentuer, il a fallu trouver une solution, une réponse à la saignée des enseignants affectés par l’État. Alors les autorités locales ont fait appel à des agents communautaires pour poursuivre les activités éducatives. « L’administration éducative était confrontée à un certain nombre de difficultés avec le départ des enseignants, qui a créé un vide au niveau des services d’éducation. Il fallait penser à développer des initiatives pour pouvoir combler ce vide marqué par le départ des enseignants de l’État », se rappelle le haut-commissaire de la province du Lorum, Djibril Bassolé.

Les enseignants communautaires ont sauvé l’éducation dans le Lorum, Ph: Studio Yafa

C’est dans cette nouvelle dynamique que Yacouba Niampa a été investi du rôle de proviseur temporaire. Il loue le courage de ces volontaires enseignants, tout en reconnaissant les difficultés qui n’ont pas entamé leur détermination.  « Malgré la situation sécuritaire, les agents sont très résilients. Avec les moyens de bord, on arrive à maintenir le système. Ce sont des agents communautaires qui n’ont pas reçu de formations sur les nouveaux curricula. Et cela constitue une difficulté au niveau de l’encadrement pédagogique », regrette le proviseur volontaire.

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Ce sont des femmes et des hommes, généralement pas enseignants de formation. Mais avec « un minimum pédagogique » pour donner le savoir aux élèves aussi bien du primaire que du post-primaire. « Il n’y a pas de qualifications particulières, mais la plupart d’entre eux ont des b.a.-ba », résume la première autorité de la province.

La communauté se tient aux cotés des enseignants pour la réussite de leur mission, Ph: Studio Yafa

Il reconnaît que Harouna Komi et ses camarades ont contribué à sauver l’éducation qui était alors menacée dans la province. « Ils ont été d’un apport vraiment significatif pour la relève et le maintien de la flamme de l’éducation du Lorum. Ces enseignants ont marqué d’une pierre blanche les activités éducatives. Leur travail a beaucoup contribué à améliorer et rehausser les résultats globaux d’une manière générale dans la province du Lorum », encense Djibril Bassolé.

Les résultats de cet engagement sont reconnus et salués par les parents d’élèves, les enseignants et toute la communauté. Les élèves sont maintenus dans la routine éducative. Mieux, les résultats scolaires sont également reluisants. Ainsi, le lycée provincial du Lorum a réalisé un taux de réussite de 62,85  % au BEPC et 50,53  % au BAC, à l’issue de l’année scolaire 2023-2024. Des performances que tous les acteurs entendent améliorer cette année.

Soumaila Ganamé ( Correspondant Titao)