Les investisseurs en « trading » au Burkina Faso se disent frustrés. Depuis presque six mois, leurs comptes sont gelés pour soupçons d’illégalité de cette activité. Pendant ce temps, certains d’entre eux disent vivre dans la misère.
Zongo étudiant et investisseur dans une société de trading à Ouagadougou depuis 2017 est désemparé depuis quelques temps. Jusqu’alors, tout allait bien pour ce trentenaire qui profitait des spéculations boursières pour se faire des bénéfices à travers l’achat et la vente des positions qui constituent les investissements détenus par le traider. Mais, depuis près de six mois, il ne peut plus récupérer ses investissements : son compte bancaire a été gelé. Cette activité fait l’objet de soupçons de blanchiment de capitaux, d’arnaques, et de soustraction à l’impôt.
Zongo ne comprend pas ces suspicions car, pour lui, les sociétés exercent au Burkina Faso depuis 2016 sans opacité. « On nous soupçonne de financer les terroristes. (…) Si réellement, l’argent avait été utilisé pour financer les terroristes, depuis 7 mois, le terrorisme allait diminuer », se défend Zongo.
Certains investisseurs ont placé une grande partie de leurs économies. Ils ont désormais du mal à joindre les deux bouts à cause du gel de leur compte. C’est le cas de Anne Marie Kabré qui travaille dans une structure de trading. Elle n’arrive plus à subvenir à ses propres besoins selon ses explications : « nous n’avons plus nos salaires, on n’a plus ce que nous avons investi. J’ai un enfant, je suis en location et j’ai laissé mes parents au village pour venir travailler. Je n’arrive même plus à m’occuper de mon enfant et lui donner à manger ». Anne Marie assure n’avoir plus les moyens d’assurer les frais de scolarité de son enfant qui n’a pas encore repris le chemin de l’école.
« Mon avenir était sombre »
Alice Sawadogo, infirmière de profession dit avoir réalisé ses rêves grâce au trading. Mais depuis que son compte a été gelé, elle est plongée dans le désespoir. « Mon avenir était sombre (…) Je ne savais pas comment m’en sortir. Si quelqu’un m’avait dit un jour que je pouvais acheter une parcelle, je lui aurai dit qu’il ment ». Cette infirmière qui attendait environs dix millions comme bénéfice de son investissement ne sait plus à quel saint se vouer. Ses problèmes s’accumulent assure-t-elle. « J’ai contracté un troisième prêt pour le réinvestissement. Mais avec ce prêt, on coupe la moitié de mon salaire », regrette Alice. Repartie à l’école de formation, elle annonce avoir reçu et consommé des indemnités pendant sa formation qui lui seront coupées.
Cette affaire est portée à la justice burkinabè. Dans un communiqué publié dans la presse, le procureur du Faso Harouna Yoda a expliqué les raisons du gel de ces comptes. « Le parquet relève que le gel est lié aux soupçons de blanchiment de capitaux et de financement de terrorisme et des infractions sous-jacentes d’escroquerie, de soustraction à l’impôt…consubstantielle à l’activité des sociétés de trading », indique le communiqué signé du procureur Harouna Yoda. Réunies à la bourse du travail le mardi 29 octobre 2019, des femmes de cette association ont décidé de solliciter le médiateur du Faso.