Un homme multitâche. Peintre, employé d’usine, responsable d’association, il a un cœur en or. Oumar Ouarma est bien connu au quartier Niéneta de Bobo Dioulasso pour son engagement social. «Père» pour les talibés du quartier, lanceur d’alerte pour des cas d’urgence, il a transformé sa cour en centre de répétition pour les élèves.
Il ne passe pas inaperçu. Une boucle à l’oreille gauche, des dreadlocks, des tatouages au bras, Oumar Ouarma a une démarche claudicante. La bouche qui juge à la hâte a vite fait de le cataloguer. La boucle d’oreille particulièrement pour les hommes est souvent mal vue. Mais pour ceux qui ne le savent pas, Oumar rappelle qu’elle a un aspect culturel dans certaines sociétés. « L’homme dogon est singulier. Chez nous, à l’âge majeur, on a une oreille percée, ça ne date pas de moi », explique-t-il.
Le tatouage, les dreadlocks, « c’est un monde à moi. J’aime me sentir différent », poursuit l’artiste. Néanmoins, il reconnait que « ce ne fut pas simple au service », notamment avec son chef de service qui l’a vite classé comme un « bad boy» avant de comprendre que l’employé au-delà de son apparence, était irréprochable dans le résultat au travail.
« Il y a trop de préjugés presque chaque jour. Si je devrais écouter les gens je ne reviendrais pas avec les cheveux à la maison. Ce ne sont pas les cheveux qui font l’homme, mais c’est son esprit. Et surtout ce qu’il apporte à sa communauté, à la société », martèle-t-il.
Une classe en famille
Nous sommes en vacances et la cour de Oumar est plutôt calme. Une femme à la cuisine, son fils pensionnaire d’un centre de football qui devise avec ses camarades. Au fond de la cour et à droite, un hangar couvert sous lequel sont déposés des tables-bancs. Pendant l’année scolaire, cet endroit ressemble à une salle de classe permanemment animée. C’est une idée de Oumar pour accompagner les élèves du quartier.
Et c’est toute une histoire. « Mon fils devrait passer le CEP, avec son neveu. Ils étudiaient sous une ampoule à l’air libre. Quand il y avait coupure de courant ou la pluie, ils arrêtaient. J’en ai parlé sur Facebook et une association à Nice m’a demandé de faire un devis et ils ont construit ce centre d’appui », explique Oumar.
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9 au départ dans le petit centre familial, les élèves atteignent le nombre de 27 à composer l’examen et ils sont tous admis. Contents des résultats, les amis niçois décident de prendre en charge la scolarité des 27 admis. Au fil du temps, le centre s’est agrandi et accueille des élèves de tous les niveaux. 165 y passent chaque soir jusqu’à 22h.
Le neveu de Oumar, étudiant en année de licence, a dû aménager son programme pour encadrer les les «élèves de Oumar ». « C’est libre d’accès. Nous sommes coincés, on n’a plus de places. Ça me fait mal de voir les enfants assis à même le sol. Nous n’avons que 11 bancs », regrette Oumar.
«Le papa des talibés»
Derrière la cour familiale, une dame vend de la nourriture. Il est 13 h passées et les clients affluent. Oumar Ouarma arrive, se fait servir, et se dirige vers un banc avec le plat en main. Autour de lui, des talibés qui après avoir lavé les mains, se mettent à table avec Ouarma. Ils mangent dans le même plat. « Les talibés sont juste à côté de chez moi. Ils sont plus de 160, mais 10 sont assez proches de moi ».
Assez poches pour souvent peindre ensemble ou manger ensemble. « Je partage leur quotidien. On mange souvent ensemble quand ils ramènent la nourriture mélangée de la ville, j’aime manger cela. C’est une force, ils sont protégés par le saint esprit », avance-t-il. Mais aujourd’hui, les sébiles des talibés sont vides, alors c’est Oumar qui passent la commande pour qu’ils mangent ensemble. « Même quand je ne suis pas là, ils passent prendre à manger ici. Et quand je suis de retour, je règle avec la restauratrice», précise-t-il, entre deux bouchées.
Quand Oumar Ouarma n’est pas à son service, ne supervise pas les cours d’appui, ne s’occupe pas de son association APIDE-Bobo, n’est pas en train de peindre, il est occupé à trouver une solution pour une personne démunie dans le besoin. Ses yeux s’illuminent quand il évoque les cas de handicapés moteurs qu’il a contribué à soulager.
« Nous avons envoyé un fauteuil à une dame, handicapée motrice à Tiéfora(Banfora). C’est une dame forte, presque la soixantaine, qui se déplaçait difficilement à 4 pattes. Elle a son frère à moins de 500 m de chez elle. Le jour qu’elle a reçu le fauteuil, elle s’est bien habillée, s’est assise dans son fauteuil pour aller voir son frère. Quand son frère l’a aperçu, ils ont commencé à pleurer », raconte-t-il, avec émotion.
Tiga Cheick Sawadogo