Une ville sous couvre-feu depuis plus de 3 ans. Fada N’gourma dans l’Est du Burkina Faso n’avait pas bronché quand la mesure avait été instituée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui frappe la région. Mais plus le temps passe, plus de voix s’élèvent pour demander sa levée. Pour certains, il n’a pas d’effet, alors que les activités économiques dans la ville carrefour tournent au ralenti. « Malgré le couvre-feu, on ne peut pas aller à 7 km de Fada », se plaignent certains habitants.
En 2019, alors que les attaques terroristes s’intensifient dans la région de l’Est, Fada N’gourma et l’ensemble de la région sont placés sous couvre-feu. De 19h à 5h du matin au départ, la mesure a été retoquée à plusieurs fois. Actuellement, la restriction va de 00h à 4h du matin.
Dramane Naba est employé de commerce. Il tient un café en plein centre de Fada N’gourma. Autrefois, il passait toute la nuit dans son café, parce que dit-il, ses clients sont les passagers des cars à destination du Niger, du Togo, du Bénin et arrivaient tard dans la nuit. « Avant par exemple, on vendait 100 miches de pain par jour, nous sommes à moins de 40 par jour maintenant », maugrée-t-il.
Haro en chœur contre le couvre-feu
La faute poursuit-il, la restriction temporaire de sortir de chez soi à certaines heures. « Avant on vendait jusqu’à 2h voire 3h du matin. Maintenant à minuit, il faut rentrer », regrette-t-il.
Assis sous un arbre devisant avec des camardes, Ali Nassouri soutient avec force que le couvre-feu n’a pas produit les effets escomptés. Bien au contraire. « Malgré le couvre-feu, on ne peut pas aller à 7 km de Fada. Les voleurs visitent les commerces, des agressions meurtrières sont courantes. On préfère la vie sans couvre-feu. Les terroristes ne se cachent même pas, ils attaquent en plein jour », enrage le jeune homme sous l’approbation de ses camarades.
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Travailleur dans le secteur de la santé, Abdoul Kader Dahani également estime que la restriction à certains égards, crée l’effet contraire. « Selon moi, le couvre-feu crée plus l’insécurité. En 2022, pendant deux mois, en plein le couvre-feu, des gens s’en prenaient à des citoyens dans la ville. L’insécurité était devenue grande. Cette mesure n’impacte rien. Il faut la lever. Les boutiques sont cambriolées », se plaint-il à son tour.
Comme s’il y avait eu concertation pour adopter la même position, les positions sont unanimes. « Le couvre-feu est un faux problème. On souhaite qu’on le lève. Puisque depuis qu’ils l’ont instauré, c’est toujours la même chose. C’est toujours la même chose, il n’y a aucun changement », renchérit de son côté Dramane Naba.
Les commerces de nuit en souffrance
Autrefois, la nuit tombée, certains endroits de la ville étaient bondés de monde. Les décibels à fond, des parkings débordants. Fada Mix, était l’un des points d’attraction de la cité de Yendabli. Mais ce jour, l’ambiance est plutôt morose dans le débit de boisson. La musique est certes jouée, mais les clients ne sont pas au rendez-vous. « Ce sont les étrangers qui faisaient le marché, ils ne viennent plus. L’économie est en berne », se contente El matador, le gérant du maquis.
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Il est 23h passées et certains clients commencent à enfourcher leurs montures. Nous retrouvons Combaté, un jeune togolais qui est en train de démarrer sa moto. Ouvrier, il essaie de trouver le bon côté du couvre-feu qui ne semble pas déplaire aux épouses. « S’il n’y avait pas le couvre-feu, on rentrait à 2h voire 3h du matin. Mais nous voici en train de rentrer à l’heure-là, avec notre argent en poche. D’ici là, nos femmes seront toutes enceintes. Puisqu’on ne sort plus », déclare-t-il, tout hilare.
Tiga Cheick Sawadogo