Le juge Narcisse Sawadogo et l’homme d’affaires Alassane Bagagnan sont en détention depuis quelques jours à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Ils sont poursuivis pour tentative d’escroquerie du maire de la capitale burkinabè et diffamation contre trois magistrats. Une conversation privée enregistrée puis diffusée sur les réseaux sociaux est à l’origine de l’action judiciaire intentée contre eux. Une dizaine d’autres enregistrements de conversations privées entre un conseiller spécial du président du Faso et ses partenaires d’affaires se sont aussi retrouvés sur la place publique. Au Burkina, la loi interdit pourtant l’enregistrement d’une personne à son insu selon les juristes. A une seule exception.
Le phénomène commence a être banal au Burkina. Des conversations privées se retrouvent sur la toile et mettent en scène de personnalités publiques. Pourtant, explique le juriste Wilfried Zoundi, personne ne peut enregistrer son interlocuteur, sauf le juge d’instruction pour des besoins d’enquête en matière correctionnelle.
Les enregistrements de conversations privées peuvent être, selon Wilfried Zoundi, utilisés dans le cadre judiciaire en matière pénale. « Mais il est laissé à l’appréciation du juge. Si le juge estime que ce sont des moyens qui lui permettent d’avancer sur un dossier, il peut le demander car en matière pénale, toutes les preuves sont recevables. Ce qui n’est pas le cas en matière civile ». Une personne enregistrée sans son consentement peut saisir le procureur pour une plainte ou passer par un huissier de justice pour une citation directe au parquet. Toutefois commente Wilfried Zoundi, le fait de diffuser les conservations privées sur la place publique est un danger pour la paix et les relations sociales.
L’article 261-26 du code de procédure pénal stipule que : « en matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à 2 ans d’emprisonnement, le juge d’instruction peut, lorsque les nécessités de l’information l’exigent, prescrire l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondance émise par voix de télécommunication. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle ».
Peine d’emprisonnement
La Constitution burkinabè a néammoins prescrit dans son article 6, la protection de la vie privée et familiale. Le secret de correspondance est aussi inviolable, ajoute le juriste Wilfried Zoundi. Diffuser des conversations privées sur la place publique peut donc porter atteinte au secret de correspondance prévue par la loi. La peine prévue pour ce délit de diffusion de conversation privée sans le consentement de l’intéressé est puni par l’article 524-9 du code pénal d’une peine d’emprisonnement de deux mois à un an et d’une amende de 250 mille à 3 millions F CFA.
En clair, conclut le juriste, il n’est pas permis d’enregistrer une conversation privée ou laisser porter à la connaissance du public ou le faire écouter par une tierce personne.