Quand des rappeurs burkinabè sont en désaccord, ils s’affrontent par freestyles interposés. Il y a quelques mois, ancienne et nouvelle génération de ce genre musical exposaient leurs divergences de style à travers les réseaux sociaux. Des rappeurs de l’ancienne génération estiment que les plus jeunes ont dénaturé les fondamentaux du rap. En réponse, la jeune génération rétorque que le rap des années 2000 est dépassé.
« Dans le rap tout le monde sait que ton flow, c’est de l’emprunt. Je préfère kiffer le reggae que d’écouter ta soupe. Tout ce qui sort de vos labels, c’est de la musique fast-food. C’est quoi ce décalé que vous faites passer pour du pure rap. L’original et la copie, vous savez bien qu’il n’y a pas match (…)», déclame Joey le Soldat dans un freestyle, entouré de ses camarades. Tout est parti de lui. À travers un freestyle publié sur les réseaux sociaux, le rappeur s’en prend vertement aux plus jeunes. Pour l’auteur du titre à succès Burkinabâ, c’était une manière de réveiller le rap burkinabè en léthargie. « Je voyais que le rap dormait, et que je pouvais apporter quelque chose à cette nouvelle génération », explique l’artiste.
Ce fut le top départ d’une longue série de clash en freestyles, publiée sur la page Fasorap. Kayawoto, un artiste populaire au sein de la frange jeune se positionne alors comme l’avocat de la nouvelle génération. Il répond coup pour coup. « Avec moi tu vas perdre tous tes soldats comme les nazis allemands. Je vois Sodass musique comme un cimetière chinois, bientôt il n’y aura même plus de place pour vos cadavres. Face à moi, tu es face à Mohamed Ali, tes ennemis deviennent mes vrais amis(…) Si tu t’amuses avec nous, tu verras la honte », réplique également en freestyle celui qui se fait appeler le béton armé du rap burkinabè.
Deux visions du rap
Le clash fait partie de l’histoire de cette musique urbaine, reconnaissent les deux rappeurs qui précisent que cela n’a rien de méchant. Mais chacun a une vision de son art qu’il entend défendre. Pour Joey le soldat, le rap à l’ancienne est une identité à préserver. « Le rap de l’ancienne école est d’abord très riche en écriture, très riche en technique de flow, très riche en production, ce n’est pas les casseroles que j’entends aujourd’hui », défend-t-il, tout en ajoutant qu’il faut s’inscrire dans la durée parce que le talent est éternel, pendant que le buzz est éphémère.
De son coté, Kayawoto qui fait l’actualité musicale avec son clip Rakanra biiga, estime que certains rappeurs de l’ancienne génération sont simplement nostalgiques. « Dans les années 2001, ils faisaient le rap hardcore, mais ce n’est pas le style de la nouvelle génération. Nous faisons ce que nous sommes nés trouver. Même aux Etats-Unis où le rap est né, les gens ne sont plus dans le rap hardcore. Le rap est une musique qui évolue. Nous essayons donc de nous adapter », argue le jeune artiste qui insiste pour dire que les jeunes rappeurs ont leurs publics et mobilisent des foules lors de leurs concerts.
Joey le Soldat tempère. Le débat n’est pas d’opposer les différentes générations du rap, mais plutôt de ramener une originalité dans le rap burkinabè.