Se faire de l’argent en publiant des informations sur des applications, c’est possible. Mais, il y a un danger à le faire, surtout dans le contexte sécuritaire du Burkina Faso. Des étudiants ont été jugés et condamnés à Koudougou dans la région du Centre-ouest pour avoir vendu des photos d’infrastructures publiques à une application.
Des étudiants ont été jugés le 8 février 2023 et condamnés le 15 du même mois devant le Tribunal de Grande Instance de Koudougou pour « atteinte et tentative d’atteinte à la sécurité nationale ». Il leur est reproché l’utilisation d’une application via laquelle, ils ont envoyé des photos de « bâtiments de l’université, d’écoles primaires, de guichets automatiques de banques, de casernes et autres ».
Au nombre de six, trois ont été relaxés, et les trois autres ont écopé de 12 mois de prison avec sursis et des amendes fermes allant de 500 à 750 mille FCA, en plus d’une mise à l’épreuve pendant 5 ans et la confiscation de leurs téléphones. Le Tribunal, considérant le contexte sécuritaire du pays, a estimé que ces étudiants ont « porté atteinte à la sécurité nationale », arguant que nul ne connait le destinataire des photos et à quelle fin elles seront exploitées.
Des informations reçues contre rémunérations
L’application en question, et il existe plusieurs du genre, disponible dans plus de 100 pays et en 35 langues, suivie par 75 000 K d’abonnés sur Facebook à travers le monde, encourage la production participative de contenus. Pour ce faire, elle demande un partage d’informations locales ou des photos de votre ville.
A priori, ces informations reçues contre rémunérations, selon ce que l’application elle-même fait savoir, permettent « aux organisations œuvrant dans le sens du développement des communautés à prendre des décisions plus éclairées ». Ses promoteurs la décrivent « comme une lueur d’espoir pour tant de personnes dans le monde, leur offrant un moyen de gagner un revenu secondaire, tout en leur donnant une voix sur les problèmes de leurs communautés ».
Le revers…
Mais cela pourrait être un couteau à double-tranchant. De fait, à en croire l’expert, entre autres, en cybersécurité et en investigations numériques, Younoussa Sanfo, le couteau et la fourchette sont des couverts dont l’achat a priori n’inquiète pas. Et pourtant l’utilisation du couteau ou de la fourchette peut être détournée à des fins de mal.
Il découle de cela, selon l’expert, que c’est l’utilisation qui pose problème. « Dès que l’on est dans un pays en guerre et quelqu’un nous demande de photographier un camp militaire, un commissariat ou autre chose, cela doit quand même nous interpeller. Même en temps de paix, il n’est pas permis de faire des photos d’un camp militaire ou un commissariat ».
Sensibiliser et réprimer
Il explique que « ce qu’on peut faire, c’est sensibiliser les jeunes, parce qu’il y a plusieurs applications, de ne pas accepter fournir des informations sensibles, car chacun de nous doit être un acteur de la protection du pays ».
Youssoussa Sanfo reconnaît que la possibilité de gagner de l’argent rend la sensibilisation « très » difficile. Raison pour laquelle il propose d’ajouter à la sensibilisation, la répression. « L’on ne sait pas pourquoi il vous est demandé ça et admettons que ça tombe entre de mauvaises mains. Et c’est là que ça peut devenir un problème. Les auteurs gagnent un peu d’argent, pas beaucoup d’ailleurs, mais mettent des vies en danger », analyse-t-il.
Boureima Dembélé