Des conversations privées de personnes décédées sont de plus en diffusées sur les réseaux sociaux par des proches, ami(e)s ou connaissances du défunt. Ces internautes disent vouloir exprimer et partager leur douleur avec le plus grand nombre, à travers les nouveaux outils de communication. Forme de deuil ou effet de mode ? La toile est divisée.
« Sénateur, ça se passe bien du côté d’Abidjan ? », demandait Salif Ouédraogo à Marvin Sawadogo, en février dernier. « Oui ça se passe bien. C’est la baratitude’’, rétorquait ce dernier. Une conversation sur Facebook qui se terminait dans l’amusement à travers les émoticônes. Cette conversation a été publiée sur le même réseau social par Salif après l’annonce du décès de Marvin le 28 mars dernier. « J’ai affiché cette conversation entre mon mentor et moi sur mon profil Facebook et WhatSapp pour me convaincre qu’il a vraiment quitté ce monde, parce que j’avais du mal à accepter sa disparition », explique Salif Ouédraogo.
Ce cas est un exemple parmi tant d’autres. De façon récurrente, des internautes publient les dernières conversations privées ou non, qu’ils ont eues avec des personnes décédées. Ces publications suscitent la plupart du temps des messages de compassion. Certains internautes, par contre, voient en mal les publications de conversations privées avec des défunts. Selon eux, il s’agit d’un manque d’égard à la mémoire du (de la) défunt (e). Ou encore, une façon de se faire voir.
Salif Ouédraogo le reconnait. « Beaucoup d’internautes qui publient les derniers messages le font pour faire l’intéressant. C’est comme une mode, une manière de montrer aux gens qu’il faisait partie de sa communauté, de ses proches. Ce n’est pas forcément sincère mais dans la douleur, on ne peut juger personne », commente le jeune homme. La preuve, ajoute-t-il, c’est qu’après l’enterrement, certains oublient la personne décédée, même l’anniversaire de son décès.
« Les conservations doivent rester privées »
« La conversation était privée. Elle doit rester privée. C’est un manque de maturité et de sagesse pour les personnes qui s’adonnent à cette pratique », s’insurge Clémentine Midjour, étudiante en Droit des affaires. Pour la jeune femme, les réseaux sociaux ne doivent pas être un espace de publication des conversations privées, de surcroît d’une personne qui n’est plus de ce monde. Becker Ouédraogo, administrateur culturel, dit déplorer l’abandon de certaines valeurs culturelles qui entourait la mort. « Avant les gens avaient peur de la mort, mais ce n’est plus le cas. Il y avait même un mythe qui entourait l’annonce d’un décès », affirme-t-il.
Selon Rodrigue Hilou, sociologue, les familles des défunts n’ont pas besoin de tout savoir sur leurs parents décédés pour mieux les pleurer. « Les réseaux sociaux constituent le prolongement de la vraie vie. Certains y expriment tout. Leurs sentiments, leurs colères, leurs joies mais aussi leurs peines. Ma lecture subjective est que ce n’est pas une bonne chose. On ne maîtrise pas la suite que internet donnera à ce qu’on publie sur le défunt», analyse le sociologue. Il préconise de « trouver des moyens pour contenir ces nouvelles formes d’hommage dans des limites acceptables pour tous ». Ceci, pour respecter le deuil et la douleur des parents proches et préserver la dignité des défunts.