Youlouka Luc Damiba, le cinéaste, a son film « Laabli l’insaisissable» en compétition au 28e FESPACO qui se tient à Ouagadougou jusqu’au 4 mars à venir. Le Studio Yafa vous fait découvrir l’homme sur les différentes scènes de sa vie dans ce portrait, dans lequel il se dit lui-même « têtu » dans ses choix de vie.
Difficile de définir Youlouka Luc Damiba au regard de ses multiples casquettes. Journaliste-communicateur pour le développement, réalisateur, chercheur, président d’association, apiculteur…
Mais ce qui semble plus le caractériser, à en croire ses collaborateurs, c’est l’acharnement au travail. Une équipe du studio Yafa a pu le constater le 24 février dans ses bureaux sur le site du Mémorial Thomas Sankara, au lendemain de la réinhumation du père de Révolution d’Août 1984 dont il dit incarner les idéaux. Nous l’avons trouvé au travail avec un collaborateur, les yeux rivés sur son ordinateur.
Luc, le travailleur infatigable et humble
Youlouka Luc Damiba est homme assez grand de taille, la cinquantaine révolue qu’il semble bien porter. Allure sûre, il parait aussi bien à cheval sur ses convictions. D’abord peu bavard, Youlouka Luc Damiba s’est très vite ouvert et s’en est suivie une discussion à bâton rompu sur sa vie. Il se dit lui-même « cinéaste engagé » qui « aime les risques ». Il se définit également comme un « cinéaste révolté ».
Imhotep Lianhoué Bayala, qui le connait, bien avant 2014, grâce au Festival Ciné Droit Libre et aussi grâce à son film Borry Bana, et qui est l’un de ses collaborateurs sur le projet du Mémorial Thomas Sankara, dit de lui que « c’est un collaborateur qui se lasse difficilement et travaille souvent sur des choses contraires. Il est aussi très ouvert », a-t-il confié, admiratif, parlant d’un homme dont il apprécie « l’humilité et la simplicité ».
« Il est généreux, au point de s’oublier souvent »
Masbé Ndengar, son ancien collaborateur à SemFilms, lui aussi ne tarit pas d’éloges : « Il peut travailler toute la nuit, ou toute la journée, oubliant même parfois son téléphone. A mon sens, il fait partie des premiers hommes intègres du Burkina. C’est le mec idéal en termes de travail, et c’est quelqu’un qui se soucie du bien-être des autres. Il est au petit soin de ses collaborateurs comme s’ils étaient membres de sa famille.
Je l’ai vu énervé une seule fois contre un fournisseur qui a pris tellement de temps qu’il a dû taper du poing sur la table. Il est sympa, ouvert et tellement respectueux que l’on se demande si ce n’est pas lui le petit frère ». Si lui-même se voit comme un « homme têtu » et qui prend « trop de risques », Imhotep Bayala lui trouve le défaut de quelqu’un qui « fait trop de fautes dans ses écrits ».
Aussi, celui qui partage avec Luc Damiba les idéaux de Thomas Sankara, de Norbert Zongo, de bonne gouvernance et des questions de souveraineté des pays africains trouve qu’il « fait aussi de la diversion, même quand il n’en faut pas » et estime qu’ « il est tellement généreux que parfois ça devient comme un défaut ». Masbé pense presque la même chose de Luc Damiba : « Il est généreux, au point de s’oublier souvent ».
Quand le FESPACO « refuse » de diffuser le film sur Norbert Zongo
Marié et père de deux garçons, le réalisateur du film « Borry Bana » raconte que « quand on a produit Barry Bana, aucune télévision n’a accepté diffuser, aucune salle de cinéma ne voulait le projeter quand bien même on voulait le passer gratuitement, aucun pirate ne voulait le pirater, même quand on a dit aux jeunes de le faire.
Le film a eu cinq ou six prix, mais dans son propre pays, personne ne voulait le diffuser sous le régime de Blaise Compaoré. Le FESPACO n’a pas voulu diffuser le film ». « Têtu », Luc Damiba, à l’en croire, a déjà pris le risque d’entrer dans un pays étranger, sous une autre identité afin de pouvoir réaliser un film.
A cette édition de la biennale, Luc Damiba présente « Laabli l’insaisissable », un film documentaire dans la catégorie Burkina. Ce film évoque la vie de Moustapha Laabli Thiombiano, le présentant comme « une université populaire ». Le réalisateur dit avoir voulu mettre sur pellicule l’histoire de cet homme aux mille casquettes qui a traversé tous les régimes du Burkina Faso jusqu’à sa mort en 2020. « Miss Burkina, Rallye moto de Ouagadougou (RAMO), course de pirogue, la radio Horizon FM, première radio libre d’Afrique, sont autant de ses idées qui ressortent dans le film pour lequel nous espérons quelque chose dans ce FESPACO ».
Celui qui a donc été l’initiateur de la rue marchande du FESPACO est bel et bien présent à cette 28e édition, à travers la caméra de Youlouka Luc Damiba.
Boureima Dembélé