Des étangs qui grouillaient de poissons quelques semaines plus tôt, sont désormais désespérément vides à Bagré, dans la région du Centre-Est du Burkina Faso. Les inondations consécutives à l’ouverture des vannes du barrage par la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL) ont presque tout emporté chez les pisciculteurs. Des alevins de tout type et des tonnes de poissons marchands ont été emportées par les courants d’eau, laissant les pisciculteurs dans le désarroi avec des étangs qui promettaient des millions de bénéfice.
Le regard panoramique, Hamadou Zouré 25 ans, descend dans l’étang, un vaste fossé aménagé. C’est là que le jeune homme travaille, dans une entreprise de pisciculture sur les plaines aménagées du barrage de Bagré, l’un des plus grands du pays. Il a été un témoin oculaire des inondations qui ont englouti les bassins. Il a pris part aussi aux tentatives désespérées. « On a fait ce que nous pouvions pour empêcher que le pire arrive. Au début nous avons mis du sable dans les sacs pour déposer aux endroits où l’eau s’infiltrait déjà. Mais c’était peine perdue. L’étang a cédé à cause de la pression de l’eau qui devenait forte. Les eaux du bassin se sont confondues à celles qui arrivaient et là, les poissons sont partis progressivement », explique le natif de Kaya qui est venu apprendre les techniques de pisciculture loin de chez lui, à Bagré.
Quelques jours après les inondations, les abords du grand étang présentent une piètre allure. Rongés de tous côtés par les eaux envahisseuses. C’est avec une certaine peine que Souleymane Yougbaré, promoteur de l’entreprise et patron de Hamadou en reparle. « Ça me fait vraiment mal quand je reparle de cette inondation parce que ça donne vraiment la chair de poule. On a tout perdu », introduit celui qui dit n’avoir jamais vu pareille mésaventure en près de 10 ans de pratique piscicole sur les berges du barrage de Bagré. Ses espoirs étaient pourtant grands cette saison. Il note que ce sont 4 tonnes 800 kg de carpe et 2 tonnes de silure qu’il attendait. « Tout ce qu’on avait comme production. En termes de poissons marchands tilapia, poisson marchands silure, en termes de productions d’alevins tilapia et silure, tout est parti. Actuellement on n’a rien comme production », ne cesse-t-il de répéter.
Quelques victimes pour sauver le plus grand nombre
Souleymane Yougbaré n’est pas le seul pisciculteur victime des inondations. Didier Bangré a lui aussi fait les frais de l’ouverture des vannes du barrage. « C’était une journée noire pour nous. Je ne savais pas que l’eau surmonterait la digue. J’ai essayé de placer une barrière, malheureusement les 8000 têtes de silure, 2000 têtes de carpe, tout est parti », raconte le producteur, par ailleurs président d’une coopérative de pisciculteurs. Il chiffre ses pertes à 6 millions de F CFA. Malgré tout, les pisciculteurs encaissent le coup, ils n’en veulent pas à la SONABEL. Pour eux, il fallait faire quelques victimes pour sauver le plus grand nombre. « A cause du trop-plein d’eau, le barrage menaçait de céder et là ça aurait été la catastrophe. Il fallait l’ouverture pour sauver la digue et ne pas perdre le barrage. Il fallait minimiser les dégâts même si certains producteurs vont perdre leurs productions, ça vaut mieux », soutient Souleymane.
Les promoteurs piscicoles envisagent la reprise après les secousses. « Nous allons tirer leçon à travers cette perte, pour éviter les prochaines inondations » déclare Didier pendant que Souleymane pense à relancer ses activités le plus vite possible. « Nous allons remettre les digues à niveau, curer les étangs. Lorsqu’on est entrepreneur, il faut accepter les risques. Les risques ce sont des résultats. Ils permettent de reprendre et de corriger les erreurs », précise-t-il.