L’avortement. Un phénomène social, un sujet tabou. Pourtant, les chiffres officiels révèlent près de 41 000 interruptions volontaires de grossesse pour 15 000 décès en 2017. L’émission Ya’Débat de cette semaine a posé le débat. Les invitées ne s’accordent pas. Pendant que certaines prônent l’effectivité et la vulgarisation de l’information sur l’avortement « sécurisé », d’autres s’y opposent catégoriquement en voyant par-là, une porte ouverte aux dérives.
« L’avortement clandestin est un phénomène qui mine la société. Elle ôte la vie des jeunes filles et femmes. L’avortement sécurisé peut résoudre certains problèmes », introduit Reine Steevy Yaméogo. La jeune fille, activiste en santé sexuelle et reproductive fait le constat que malgré les sensibilisations, les grossesses non désirées ont la peau dure. Raison pour laquelle, elle dit militer «pour l’effectivité de l’avortement dans le respect de la loi ». Sa position n’est pas partagée par Alida Da, sociologue. Pour elle, si les sensibilisations n’ont pas donné de fruits, il faut changer de stratégie. Elle prône la prise en compte de nouvelles cibles, tout commence par la cellule familiale, défend l’invitée. « Il faut aller sur les causes, travailler à ce que les filles se préservent pour ne pas prendre ces grossesses et se sentir obligées d’aller les interrompre », clame-t-elle, avant de préciser que dès qu’il y a fécondation, il y a une vie qui mérite d’être protégée.
Certes, toute vie mérite d’être protégée, commente pour sa part la coordonnatrice de la Communauté d’action pour la promotion de la santé sexuelle et reproductive (CAPSSR), Awa Yanogo. Mais, « Personne ne va à l’avortement en riant (…) quand une fille veut avorter, soit l’auteur a refusé la paternité, soit elle sait que si ses parents l’apprennent, elle sera bannie», répond-t-elle. Par ailleurs, Awa Yanogo s’insurge contre ce qu’elle appelle l’hypocrisie des institutions qui déclarent que l’avortement est interdit, mais demandent aux candidates de commencer le processus à la maison avant de venir pour la prise en charge. « Les soins après avortement sont autorisés et c’est même gratuit depuis 2015 », rappelle la coordonnatrice de la CAPSSR. Par contre, elle insiste ne pas être pour la dépénalisation de l’avortement, « notre contexte, notre culture ne nous autorise pas à légaliser l’avortement ».
Avortement « sécurisé » : porte ouverte aux dérives ?
Alida Da est formelle. A force de communiquer sur un avortement qui serait « sécurisé » et autorisé par la loi, on ouvre la porte aux dérives. Elle dit avoir constaté déjà de mauvaises interprétations de cette loi. « Quand les filles nous abordent par rapport à cette question, c’est comme si elles peuvent se permettre de tomber enceinte comme elles veulent et aller dire à l’hôpital qu’au regard de leurs études, elles ne se sentent pas à mesure de garder la grossesse et on va leur dire de se coucher pour qu’on leur arrange ça ». Loin de là, rétorque Awa Yanogo. Pour elle, autoriser l’avortement ne veut pas dire permettre à tout le monde de le faire. « Je peux être victime de viol ou d’inceste sans pour autant vouloir avorter. Quand on prend une loi, c’est pour résoudre un problème d’intérêt général et non pour des spécificités ou pour des individus », ajoute-t-elle.
Alida Da revient à la charge et demande aux organisations qui travaillent sur les questions de santé sexuelle et reproductive de consacrer plus de ressources dans la sensibilisation des parents, au lieu de mettre beaucoup d’argent dans la « sécurisation » des avortements. La sociologue suggère plus de discussions entre parents et enfants sur les questions de sexualité. « C’est un idéal recherché. Sur 24h, elle (Ndlr. Alida Da) partage combien d’heure avec ses enfants ? », questionne la jeune activiste Reine Steevy Yaméogo qui regrette que des parents n’aient plus assez de temps pour leurs enfants.
L’émission Ya’ Débat est diffusée tous les samedis à partir de 10 heures sur l’ensemble des radios partenaires.