Des enseignants des établissements privés du Burkina disent être mal payés, victimes de licenciements abusifs et de manque de protection sociale. Les invités Ya’Débat de cette semaine situent les responsabilités. Le cahier de charge et la convention collective qui régissent le secteur sont foulés aux pieds par les promoteurs, regrettent les enseignants qui indexent aussi le laxisme de l’autorité. Ces deux acteurs se défendent dans un débat houleux.
« La plupart des enseignants du privé travaillent sans protection sociale, ils ne sont pas déclarés à la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale, Ndlr.), ils n’ont pas de contrats clairs. De ce fait, ils sont souvent victimes de rupture abusive de contrat », constate Mamadou Diandé, secrétaire général de la coordination nationale des enseignants du privé. Il regrette le manque de contrôle de la part de l’Etat, ce qui occasionne des abus dans un secteur qui accueille pourtant plus de la moitié des élèves au Burkina. Conséquence de ces manquements , explique Mamdou Diandé, « beaucoup de promoteurs font ce qu’ils veulent», en foulant la règlementation aux pieds.
C’est un constat réel, reconnait Amadou Sidibé, de la direction de l’enseignement privé au ministère en charge de l’éducation nationale. Il ne nie pas les dures conditions de travail des enseignants du privé, tout comme il reconnait le laxisme de l’Etat. Mais cela à une explication, justifie-t-il. « Il fut un moment où l’enseignement privé a été beaucoup délaissé. Le service en charge du suivi des établissements n’avait pas de moyen ». Mais, rassure Amadou Sidibé, la donne est en train de changer depuis quelques années. Des établissements hors la loi, non reconnus ont été épinglés. Abdoulaye Kouanda, promoteur d’un établissement privé, lui n’est pas d’accord avec les arguments avancés par les autres invités. Il souhaite que le verre soit vu à moitié plein. « Il ne faut pas voir les choses totalement en noir. Dans tous les ordres de métier, il y a des difficultés partout », tempère-t-il. Même s’il reconnait qu’il y a des difficultés. Il refuse néanmoins que le tort repose seulement sur les promoteurs privés. « Ce ne sont pas seulement les promoteurs qui ne respectent pas les textes. L’Etat aussi fui ses responsabilités. C’est choquant quand on peint tout le tableau en noir, comme si nous étions des gens qui exploitent (…) », fulmine le promoteur.
« L’Etat a commercialisé l’éducation »
Pour Abdoulaye Kouanda l’Etat a commercialisé l’éducation. « Il maximise sur la perception de l’argent plutôt que la qualité de l’éducation, la qualité du travail des acteurs ». Selon lui, l’autorité n’accompagne pas conséquemment les établissements privés. Pourtant poursuit-il les meilleurs élèves sont issus des établissements privés, gros pourvoyeurs de places pour l’éducation nationale. Le débat s’emballe à cet instant sur le plateau de Ya’Débat. Chaque invité tient à défendre sa position, quitte à arracher la parole à son vis-à-vis. L’animateur intervient pour un rappel à l’ordre.
Ne devient pas promoteur d’établissement qui veut, mais qui peut, lance Amadou Sidibé du ministère en charge de l’éducation nationale qui à répond Abdoulaye Kouanda. « On ne veut même pas que n’importe qui vienne ouvrir une école. Nous souhaitons que celui qui a les moyens et qui peut accompagner l’Etat (…) qui peut mettre les enfants et les travailleurs en sécurité vienne ouvrir. Il y en a qui viennent et qui n’ont même pas de fonds de roulement. Les premières scolarités servent à rembourser les crédits à la banque. Quelques mois après, il n’y a plus de salaires », dépeint Amadou Sidibé, tout en annonçant que des pénalités sont prévues contre les promoteurs ne respectant pas les textes.
L’émission Ya’ Débat est diffusée tous les samedis à partir de 10 heures sur l’ensemble des radios partenaires.