Des Burkinabè vivant en Tunisie ont été rapatriés suite à des violences subies dans leur pays d’accueil. Le premier contingent est arrivé à Ouagadougou le 15 mars 2023. Cahier d’un retour au pays natal!
Au nombre de 64, des Burkinabè vivant en Tunisie ont constitué le premier contingent rapatrié. Visages fermés, le regard hagard pour certains, d’autres les yeux dans leurs orbites avec des cernes sous les cils, marque de fatigue, ils étaient regroupés, au milieu de leurs bagages, à l’aéroport international de Ouagadougou, écoutant et exécutant machinalement les consignes des personnels qui les aidaient.
Le ministre burkinabè délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur, chargé de la Coopération régionale, Karamoko Jean Marie Traoré, a fait savoir que ce retour organisé l’a été « en application d’une décision prise au dernier Conseil des ministres ». Et c’est « un premier contingent de 64 compatriotes qui étaient en Tunisie. Nous avons pu les faire rentrer ce soir et il y aura éventuellement d’autres groupes » a-t-il déclaré. Il assure qu’il y a « plus de 800 étudiants en Tunisie, mais là il s’agit d’un autre groupe qui était sur le terrain de l’emploi. Ce sont des gens qui travaillaient et qui ont dû suspendre pour regagner leur pays. Il y a eu un dialogue avec les autorités tunisiennes qui ont facilité un certain nombre d’aspects afin que nos compatriotes puissent regagner leur pays.
« On m’a fait pleurer »
Parmi ceux qui sont revenus, Adja, licence en finance des entreprises, trois ans en Tunisie. Elle raconte ce qu’elle a vécu dans son pays d’accueil: « On m’a fait pleurer. Je ne comprends pas arabe, mais quand tu vois la manière de te traiter alors que tu paies ton argent pour venir étudier. On ne peut pas sortir sans carte de séjour or pour l’établir c’est grave ». Elle explique qu’au Burkina Faso, « c’est le chômage qui fait fuir les gens. Nous nous venons fraichement d’arriver, si l’Etat peut faciliter l’obtention d’un travail, même si ce n’est pas dans mon domaine, pour éviter qu’on revienne nous asseoir sans rien faire. S’il y a du travail, je ne vois ce qui va me faire quitter mon pays et aller dans un pays où de petits enfants t’insultent et leurs parents te regardent sans rien dire. Tu ne peux rien faire parce que ce n’est pas chez toi ».
« Certains refusaient de nous vendre leurs nourritures »
Un autre, Inoussa Guébré, un an 5 mois en Tunisie, sans métier fixe, la gorge nouée nous a confié que « l’aventure n’est pas facile, nous demandons au Gouvernement de nous soutenir, sinon ce n’est pas facile ». Lui avec ses compagnons ont été chassés de la maison qu’ils louaient: « On nous a chassés de leur maison. Et nous avons dormi à l’ambassade pendant 17 jours, sans manger et on ne travaillait pas. Eux-mêmes ils refusent que les noirs travaillent avec eux.
On était dans une situation très difficile. Certains refusaient de nous vendre leurs nourritures ». Il dit avoir été victime d’agression car, arrivé le 2 février 2022 en Tunisie, le 5 mai, « on m’a agressé et on m’a arraché mon téléphone ». Malgré ces conditions, Guébré soutient que des Burkinabè tiennent à rester en Tunisie: « Il y en a qui refusent de revenir, disant qu’ils ne peuvent pas revenir sans rien. Nous, nous avons pris notre courage pour rentrer sinon, ce n’est pas facile ».
« La population cassait la porte et rentrait chez les gens et pillent (…) »
Moussa Diarra, 13 mois en Tunisie, ouvrier dans une usine a aussi été victime d’agression au point que pour lui, « ces derniers temps, la Tunisie, c’était plus que l’enfer. La population, la Police… La population cassait la porte et rentrait chez les gens et pillaient, lapidaient… Mon bailleur a cassé ma porte pour rentrer dans ma maison pour prendre mes affaires ».
Les Africains au sud du Sahara sont victimes depuis quelques semaines de traitements inhumains sur fond de racisme en Tunisie. Le 21 février dernier, le président tunisien Kaïs Saïed avait affirmé que la présence en Tunisie d’immigrés clandestins provenant de pays d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays.
Boureima Dembélé