A 63 ans, Roch Kaboré, élu en 2015, est dans la course à l’élection présidentielle du 22 novembre pour un deuxième mandat. Présenté par ses partisans comme un homme affable et habile dans la recherche du consensus , le candidat du MPP est qui fut bras -droit de l’ex-président Compaoré est dépeint par ses détracteurs sans poigne habitué des revirements. En dépit d’un bilan miné par une situation sécuritaire dramatique du fait des attaques incessantes de groupes jihadistes, il part néanmoins favori selon les observateurs.
Les temps ont bien changé, le président sortant, ne marche plus à l’ombre d’un grand sachem, comme il l’a fait près de 30 ans auparavant. Les choses sont allées vite pour Roch Marc Christian Kaboré depuis le 4 janvier 2014. Date à laquelle il claque la porte du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ancien parti au pouvoir dont il est membre fondateur. Depuis la période révolutionnaire, il gravite autour du pouvoir. Après avoir travaillé aux côtés du président d’alors Blaise Compaoré près de trois décennies, occupant tous les postes prestigieux, il finit par rompre les amarres. Trois semaines après sa démission avec un groupe de camarades dont Salifou Diallo, Simon Compaoré, il crée le Mouvement du peuple pour le progrès qui le portera au palais présidentiel quelques mois après. « Il fait partie de ce qu’on appelle la génération 83. Ce groupe de jeunes cadres sortant des universités qui ont épousé la théorie révolutionnaire, les idéaux progressistes et qui ont soutenu la révolution sankariste de 1983. C’est depuis ce temps qu’on s’est connu. Lui est allé très vite dans des fonctions de gestion », explique Clément Pengdwendé Sawadogo compagnon politique de longue date de l’homme.
Très jeune à l’âge de 27 ans, Roch Marc Christian Kaboré est nommé directeur général de la Banque internationale voltaïque (BIV) qui deviendra plus tard banque internationale du Burkina (BIB) puis UBA. Pendant que ses camarades animent la vie politique, le fils de Charles Bila Kaboré, ancien vice-gouverneur de la BCEAO, est loin des intrigues politiques. Le civil qu’il est, n’est certes pas un acteur de premier plan de la révolution menée par des jeunes officiers, mais son parti, l’Union de lutte communiste reconstruite (ULC-R), un mouvement ressuscité à la faveur de l’avènement du Conseil National de la révolution de Thomas Sankara, participe à répandre les idées de gauche.
Lorsque Thomas Sankara est assassiné le 15 octobre 1983 et que Blaise Compaoré s’empare du pouvoir, Roch Marc Christian Kaboré opère, selon ses détracteurs, un retournement de veste. Alors que des dizaines de cadres révolutionnaires sont traqués, notamment ceux de l’ULC-R, il signe, avec trois autres membres du bureau politique du mouvement, une lettre d’allégeance au nouveau chef de l’État, louant la « rectification de la révolution ». Mais, Clément Sawadogo explique que ce ne fut pas si simple à l’époque. « Il en a beaucoup souffert, comme nous tous. Il n’a pas aussi facilement accepté de soutenir la rectification »
« Une carrière tellement riche et variée »
Quoi qu’il en soit, l’ancien pensionnaire de l’université de Dijon en France d’où il en est ressorti avec un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en sciences économiques, rentre dans les bonnes grâces du nouveau pouvoir. Un an après son ralliement, il est nommé au ministère des transports, puis hérite, en 1991, du ministère chargé de la coordination de l’action gouvernementale. Le jeune économiste-gestionnaire va occuper plusieurs postes de responsabilités avant d’être nommé premier ministre en 1994. Après sa réélection en 1997 comme député de la province du Kadiogo, il est propulsé 1er vice-président de l’Assemblée nationale. En décembre 1998, le pays est secoué par une crise socio politique consécutive à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Roch Kaboré est désigné en 1999 pour être le secrétaire exécutif national du parti au pouvoir. Après les législatives de 2002 où il siège successivement pour un troisième mandat, il se voit porter à la tête de l’Assemblée nationale du Burkina Faso. Il occupera le perchoir pendant 10 ans. « L’homme a eu une carrière tellement riche et variée », résume celui qui l’a côtoyé depuis la période révolutionnaire, Clément Sawadogo.
Le divorce
La bataille de positionnement fait rage au sein du CDP. L’homme qui a occupé tous les postes prestigieux dans les différents gouvernements depuis 1987 n’affiche pas ses intentions publiquement pour le fauteuil présidentiel, mais dans l’opinion publique, on lui prête des intentions en la matière. Au 5e Congrès du CDP en 2012, Roch Kaboré et plusieurs membres fondateurs du CDP sont « mis au garage ». Cela est vu comme une victoire de la FEDAP/BC (Fédération associative pour la paix avec Blaise Compaoré) proche du frère cadet du Président d’alors, François Compaoré. « Il était parti pour être l’un des successeurs naturels de Blaise Compaoré, mais tout le monde sait que les choses ne sont pas passées comme il l’aurait souhaité », commente le Directeur de publication (DP) de L’Observateur Paalga, Edouard Ouédraogo, observateur avisée de la scène politique nationale qui était l’invité de l’émission Tapis d’honneur de la Radio nationale (RTB/Radio), le samedi 30 mai 2020.
Le 4 janvier 2014 donc, avec une bonne partie de ses camarades membres du Bureau politique national dont le regretté Salifou Diallo et Simon Compaoré, il quitte le navire pour créer trois semaines plus tard, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Le divorce est consommé, alors la rue gronde pour empêcher un énième mandat du président Blaise Compaoré. Blaise Compaoré est chassé du pouvoir le 31 octobre 2014. Les candidats à sa succession se bousculent au portillon du palais de Kossyam. C’est sous la bannière de son parti, le MPP que Roch Kaboré, marié et père de trois enfants, est élu au premier tour à l’élection présidentielle de novembre 2015, avec 53,49 % des suffrages.
Parlant de sa participation à la gestion du pouvoir sous Blaise Compaoré pendant près de trois décennies, Roch Marc Christian Kaboré reconnait sa part de responsabilité, mais relativise. « Il n’y a pas de honte à avoir participé à un gouvernement de Blaise Compaoré. J’y ai participé par devoir pour mon pays et par honnêteté. Je n’ai jamais fui mes responsabilités. J’ai toujours dit et répété qu’ayant participé à un régime donné, je suis comptable. Mais cette comptabilité a plusieurs niveaux », déclarait-il le 25 novembre 2015 sur le plateau de la télévision nationale.
« Il n’est pas laxiste. Ce n’est pas vrai »
« Il est un homme de la masse. C’est quelqu’un qui se fond très aisément dans le groupe social qui se présente à lui. Il ne brandit pas sa position sociale, il est issu d’une famille quand même aisée », commente un homme politique de son sérail. Il note qu’étudiant, Roch Marc Christian Kaboré que l’on dit être né avec une cuillère d’or dans la bouche, usait de sa position sociale pour aider ses camardes étudiants voltaïques et africains à Dijon en France.
Présenté comme un homme de consensus, le candidat à un deuxième mandat est « affable » selon son porte-parole Clément Sawadogo. « Beaucoup tentent à penser qu’il est un peu laxiste. Ce n’est pas vrai du tout. Il n’aime pas serrer les gens, c’est vrai, mais il exige le travail bien fait », ajoute-t-il. Pour certains burkinabè, à l’épreuve du pouvoir, le président a souvent manqué de poigne quand le front social grogne, quand les attaques terroristes se font récurrentes.
Son style de gestion est jugé incompatible aux enjeux actuels du pays. Pour sa part, le Directeur de publication de L’Observateur Paalga, Edouard Ouédraogo estime que le tempérament du chef de l’Etat est une qualité. « Vraiment, c’est un héros tragique. Je suis épaté par son espèce de calme, de flegme par lequel il gère la situation parce que quelqu’un d’autre aurait perdu son sang-froid comme le président américain Donald Trump », a-t-il déclaré à l’émission l’émission Tapis d’honneur de la Radio nationale le 30 mai 2020.
A 63 ans, Roch Kaboré est dans la course à l’élection présidentielle pour un deuxième mandat.